Certains d’entre vous, parmi nos fidèles lecteurs, n’ont peut-être pas trouvé le numéro 68 du mois de juillet 2016 de Zamane. Normal, nous l’avons nous-mêmes retiré de la vente quelques jours après sa sortie. Avant de revenir sur le pourquoi du comment de ce retrait, disons qu’il y avait de quoi le justifier. Il est bon de rappeler, en préambule, certains fondamentaux de la profession journalistique.
On a coutume de dire que le journalisme est le métier de toutes les peines, avec une bonne charge d’exposition et de prise de risque. Malgré son caractère récurrent, ce n’est pas là une complainte, mais un état de fait qui a valeur de rappel pour nos lecteurs. Quant à nos futurs confrères, ils n’ont d’autre choix que de s’y faire, avec toute la passion professionnelle requise.
C’est du moins dans cette conviction première que nous autres, à Zamane, puisons l’énergie nécessaire pour mettre à votre disposition une édition mensuelle depuis plus de cinq ans. A chaque numéro suffisent sa peine et sa satisfaction, dirions-nous. Car chaque numéro est un pari gagnant.
En tant que magazine spécialisé dans l’histoire du Maroc, nous savions, de science certaine, que le traitement de cette matière, aussi particulière soit-elle, ne pouvait être « neutre »; pas plus que le corpus-histoire lui-même. Remuer un passé proche ou lointain, c’est aussi interroger le présent. Comme quoi, les faits dits révolus ne sont jamais frappés d’une quelconque péremption. Ils peuvent même renaître de leurs cendres pour surgir dans une sorte de factuel d’outre-tombe.
Pour être parfaitement en phase avec ces vérités tangibles, nous nous sommes entourés d’historiens reconnus et de journalistes aguerris. Apparemment, cela ne nous a pas évité la mésaventure de l’auto-ramassage du précédent numéro. Contrairement à ce qui a été avancé par certains confrères, il n’y a pas eu de saisie par les pouvoirs publics, encore moins une quelconque menace contre notre liberté d’expression. Ceci pour remettre les choses dans la réalité de cet incident.
Dans le numéro en question, nous avons réalisé un dossier bien fourni sur le prince héritier Moulay El Hassan et futur roi Hassan II. Pour être complets sur le sujet, nous nous sommes naturellement intéressés aux péripéties de son enfance, aux moments forts de sa prime jeunesse, en mettant en exergue son action politique auprès de feu MohammedV. Bref, nous avons mis en évidence le rôle qu’il a pu jouer lors des négociations pour l’indépendance et pendant les premières années du Maroc indépendant. Comme d’habitude, nous nous sommes appuyés sur le bien-fondé de documents de première ou de seconde main, ainsi que sur des témoignages jugés dignes de foi.
C’est précisément dans l’un de ces entretiens que nous avons été induits en erreur, sur le statut social et la validité des propos de notre interviewée, selon des sources on ne peut plus autorisées.
Nous ne pouvions donc que faire amende honorable. Dont acte. Néanmoins, ce manque de vigilance et ce mea culpa professionnel, nous en sommes convaincus, n’entament en rien le sérieux et la crédibilité de notre magazine. Pas plus qu’ils ne mettent en cause la rigueur scientifique et l’application journalistique de notre démarche pour toutes les questions traitées.
Dès la toute première édition de Zamane, nous nous sommes engagés à respecter la véracité des faits historiques en tant que tels, sans autre forme d’a priori éclectique ; mais sans nous en tenir à notre scolastique narrative. Notre ambition annoncée est également de donner du sens à l’événementiel par une restitution contextualisée pouvant aller jusqu’à pointer des réminiscences dans le présent. En somme, nous donnons à apprendre notre histoire, mais aussi à la comprendre.
Un exercice qui peut paraître périlleux, voire très ambitieux, mais qui singularise votre revue, Zamane. Nos lecteurs peuvent donc être rassurés sur la continuité de leur magazine selon ces mêmes principes de liberté de pensée qui ont été les siens depuis toujours.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION