Dès son ascension au trône au milieu du XVIIIe siècle, le sultan Mohamed Ibn Abdallah décide de faire du commerce maritime un levier de l’économie du pays, avec comme plaque tournante le port d’Essaouira. Mais c’était sans compter la résistance de Fès, de ses artisans, de ses commerçants et de ses milices à ce projet.
La ville d’Essaouira est une création relativement récente. Elle remonte à 1765 quand le sultan Mohammed Ibn Abdallah décida d’en faire la porte du Maroc sur l’Atlantique et sur le monde occidental en général. Un choix stratégique résolument tourné vers la modernité et l’avenir, mais qui dérangeait énormément les villes de l’intérieur dont l’économie demeurait fondamentalement continentale. Dans un sens, on allait assister à un bras de fer historique entre deux économies en rivalité, l’une symbolisée par la caravelle, l’autre par la caravane. L’historien Abdallah Laroui a qualifié le sultan Mohammed Ibn Abdallah d’architecte du Maroc moderne, dans le sens où il a mis le pays sur les rails de la modernité et de la globalisation. Sans doute le Maroc n’était pas encore prêt à ce tournant que certains jugeraient de brutal et de prématuré, mais le Makhzen n’avait pas d’autre choix. Il y allait de sa survie. Après la mort du grand Ismaïl en 1727, le pays allait vivre un cycle de guerres civiles qui devait durer une trentaine d’années. En assumant le pouvoir en 1757, le jeune sultan Mohammed Ibn Abdallah mesurait bien la tâche qui l’attendait et l’historien al-Zayani l’avait qualifié de sauveur de la dynastie alaouite qui, par son action, «avait été ressuscitée après sa mort».
Par Mohamed El Mansour
La suite de l’article dans Zamane N° 55