Journaliste, essayiste et militant de gauche, ses écrits ont porté haut les idéaux auxquels il croyait. Jebrou a côtoyé les plus grands, de Abderrahim Bouabid à Youssoufi, en passant par Ben Barka et Omar Benjelloun. Complot de 1963, disparition de Ben Barka, assassinat de Omar Benjelloun… Jebrou livre son histoire du Maroc, loin des sentiers battus.
Vous êtes reconnu comme un témoin privilégié de l’essor et du parcours d’une frange du Mouvement national, particulièrement celle des progressistes. Comment êtes-vous arrivé à cette position ?
Cela remonte à la semaine précédant la déposition du sultan Ben Youssef. J’avais à l’époque 14 ans et je me sentais déjà pleinement en phase avec la passion exprimée par les habitants de Rabat. J’ai donc accompagné une grande manifestation qui se terminait au Mechouar. Notre slogan devant la menace portée contre notre sultan était « Nous contestons le protocole imposé », en référence à la pression exercée par le Protectorat sur Mohammed Ben Youssef. Au milieu des adultes, nous étions une bande d’adolescents d’environ une quinzaine d’années. Quelques jours après cette manifestation, les autorités nous ont interdit de battre le pavé. Mais le jour de la déposition du sultan et suite aux propos de Allal El Fassi, nous nous sentions responsables de l’engagement en faveur du trône. Cependant, les jours qui ont suivi cet évènement, les Marocains ont commencé à « voir » le visage du monarque sur la face de la lune. Petit à petit, un sentiment de résignation s’est emparé de la population. Il a fallu attendre un nouvel électrochoc, insufflé cette fois par Allal Ben Abdellah lors de sa tentative d’assassinat sur Mohammed Ben Arafa (installé sur le trône par le Protectorat suite à la déposition de Mohammed V, ndlr).
Dans quel sens l’action de Allal Ben Abdellah a-t-elle impacté votre militantisme ?
Ce 11 septembre 1953, j’étais par hasard dans le quartier Akkari (à Rabat) en visite chez des proches de la famille. Ils étaient en relation avec la famille de l’actuel chef de gouvernement Abdelilah Benkirane, qui n’était pas encore né à cette époque. Son père avait en tout cas assisté à la scène de la tentative d’assassinat de Ben Arafa. C’est ainsi que j’ai appris le déroulé de cet évènement. Mais le flou régnait encore puisque la rumeur disait que Ben Arafa a été mortellement touché. Il a fallu attendre 14 h et les informations venant de Londres pour confirmer l’échec de la tentative d’assassinat. On a appris également que l’assaillant a été tué et qu’il était originaire du quartier Akkari. Près d’un mois plus tard, les Marocains entendaient donner une ampleur sans précédent aux festivités de la fête du trône, prévues pour le 18 novembre 1953. Avec un groupe de jeunes, nous nous sommes donné comme mission de rédiger des tracts manuscrits à distribuer dans les maisons. J’ai tellement copié ce texte que je m’en souviens par cœur.
Propos recueillis par Sami Lakmahri et Hassan Aourid
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