Fer de lance du mouvement pour l’Indépendance et, plus tard de l’opposition à Hassan II, la jeunesse marocaine n’a pas attendu le 20 février 2011 pour s’imposer dans le débat politique et en devenir, parfois, un acteur essentiel. Il serait pourtant hasardeux d’appréhender la jeunesse comme une «classe» monolithique, avec partout les mêmes rêves et les mêmes revendications. Les jeunes militants dont nous vous parlons étaient peut-être minoritaires par rapport à la masse des Marocains. Ils ont néanmoins épousé la modernité et se sont faits les porte-drapeaux d’idées nouvelles : cette jeunesse n’était pas seulement «biologique», elle portait en elle l’espoir d’une communauté de destins, engagés sur la voie du progrès et de la tolérance.
Le nationalisme marocain est l’œuvre d’une génération jeune, qui a vu le jour il y a presque un siècle. La plupart de ses figures de proue (Mokhtar Essoussi, Allal El Fassi, Abdelkhalek Torres, Hassan Ouazzani, Ahmed Balafrej…) sont natifs des années 1908-1914. Leur enfance est donc marquée par l’amertume et l’impuissance de leurs aînés face aux temps troublés que vit le Maroc : la perte de l’indépendance et l’installation brutale du fait colonial, avec son lot d’humiliations et de mise en minorité des Marocains. Les intelligentsias de l’époque, partagées entre une option identitaire fermée au modernisme du siècle précédent et une option utilitariste qui ne rêve que de singer l’Occident, n’arrivent pas à penser efficacement l’insertion du pays dans le monde moderne. Les quelques idées modernistes du début du XXème siècle sont hautement marginales. Le choc de la modernité occidentale est tellement fort que les enfants des villes marocaines grandissent dans la peur du colon et l’acceptation résignée des brimades. La dignité bafouée des Marocains ne trouve un semblant de réconfort que dans l’écho des opérations de jihad menées par des tribus dans la campagne. Il est d’ailleurs instructif de signaler que les autorités coloniales répartissaient le Maroc en zone soumise (les villes et les plaines) et zone insoumise (les montagnes et le Sahara). C’est pourtant de cette «zone soumise», d’une intelligentsia traumatisée, que va naître le nationalisme marocain, porté par une jeunesse dont la fougue et l’inventivité sont restées jusque-là insoupçonnées.
Par la rédaction
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