Après un voyage à Beyrouth et la découverte d’un camp de réfugiés palestiniens à Borj el-Barajneh, un jeune réalisateur marocain a produit un documentaire sur l’histoire de ces exilés. Récit.
En 2015, Wadii Charrad, réalisateur, se rend à Beyrouth, au Liban. Sur place, il découvre Borj el-Barajneh, un camp où vivent des milliers de réfugiés palestiniens. L’histoire remonte au 27 novembre 1947, date à laquelle l’ONU propose la partition de la Palestine en deux Etats, l’un juif et l’autre arabe (même si ce dernier n’aura jamais de réelle existence). Cette résolution onusienne marque finalement le début de deux années de guerre israélo-arabe et annonce le début de la Nakba (catastrophe) pour le peuple palestinien. Près (voire plus) d’un million de Palestiniens quittent leur terre, souvent suite à de lourdes intimidations de la part d’organisations sionistes extrémistes, pour trouver refuge en Jordanie, en Syrie et au Liban. 127.000 palestiniens arrivent alors au Pays du Cèdre, soit à l’époque entre 8 et 10% de le population globale libanaise. Les difficultés économiques du pays, mais aussi ses réalités socioculturelles, notamment ce fragile équilibre confessionnel entre Musulmans et Chrétiens, empêchent de facto l’intégration des Palestiniens, privés de droits et marginalisés. Double tragédie, après l’exil, les réfugiés Palestiniens se voient également interdits de retour en Palestine. En effet alors qu’un grand nombre d’entre eux sont originaires de Galilée, un territoire israélien mais toujours à majorité arabe, Israël refuse d’entendre parler de leur retour. En 1949, la famille Aghta, originaire d’un village en Galilée, vient à la suite d’une invitation lancée par des amis s’installer dans le village de Borj el-Barajneh, qui deviendra par la suite un quartier de Beyrouth. D’autres palestiniens, originaires du même village en Galilée, installés dans des camps au sud du Liban avant de rejoindre la Syrie, décide eux aussi de s’installer à Borj el-Barajneh et de se mettre sous la protection de la famille Aghta. En 1950, après de nombreuses péripéties, L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA, en anglais), décide de louer un terrain dans ce village. L’emprunt serait d’ailleurs toujours en cours…
Si la première génération de réfugiés palestiniens est maintenue dans une certaine neutralité, la seconde née dans l’exil va conquérir son autonomie. De nombreux enfants de réfugiés deviennent des fedayyin. Les principales activités militaires ont lieu en Jordanie, mais les actions contre Israël sont dirigées depuis les montagnes de l’Arkoub, au sud du Liban. Les résistants palestiniens se heurtent d’abord à l’armée libanaise, décidée à ne surtout pas leur laisser ne serait-ce qu’une partie de souveraineté, avant de céder face à la force palestinienne. En 1969, les Accords du Caire sont signés entre les deux parties. Ils obtiennent des droits jusqu’alors refusés aux réfugiés palestiniens : celui de résidence, de travail et de mouvement. Mais en réalité, les conditions de vie des réfugiés palestiniens varient selon les circonstances légales de leur venue et de leur établissement. Ainsi, « il y a ceux qui, installés suite à l’exode de 1948, ont été comptabilisé dans le recensement de l’UNWRA dans les années 50′. Ils sont enregistrés par l’Etat libanais et reçoivent des papiers justificatifs qui leur permettent de voyager hors du Liban. il y a ceux qui, suite au même exode, n’ont pas été comptabilisés dans ce recensement. Leur situation a été régularisée par l’Etat libanais en 1969. Ils ne figurent toutefois pas dans les registres de l’UNWRA. Enfin, les Palestiniens réfugiés de 1967 ne sont reconnus ni par l’UNWRA, ni par l’Etat libanais qui considère leur présence illégale », selon l’Institut Européen de Recherche sur la Coopération Méditerranéenne et Euro-Arabe.
Enfin, leurs conditions varient aussi selon les contextes : la guerre du Liban (entre 1975 et 1990) à laquelle les Palestiniens participent très activement, les représailles d’Israël contre les feddayin installés au Liban dès 1976, et les retournements de situation politiques…
Ce drame humain, qui a plongé des milliers d’exilés palestiniens dans le désarroi le plus total, est donc raconté à travers un documentaire intitulé Palestiniens 48 et réalisé par Wadii Charrad. Lui qui admet avoir été extrêmement bousculé par cette découverte, est parti à la rencontre de ces réfugiés pour recueillir leurs paroles, et ainsi raconter leur histoire. Il sera projeté et visible par le public courant 2018. En attendant, voici la bande-annonce :