Hakima Himmich est surtout connue du grand public comme le chantre de la lutte contre le Sida au Maroc. Une notoriété qui ne doit rien au hasard pour cette militante dans l’âme. Tout au long de sa vie, cette femme courage a fait face aux défis de son époque. Entre expériences politiques assumées et parcours remarquable dans le domaine de la médecine, Hakima Himmich livre les secrets de ses batailles.
Vous êtes née au milieu des années 1940 dans un milieu conservateur de Meknès. Comment avez-vous pu avoir accès à des études supérieures ?
Je n’étais effectivement pas destinée à mener le parcours qui est le mien. Je suis venue au monde au sein d’une famille traditionnelle de la bourgeoisie agricole où toutes mes cousines du même âge ont dû quitter les études pour se marier très jeunes. Tel était le schéma traditionnel à cette époque. À ma naissance, c’est un garçon qui était en réalité attendu. C’est peu de dire que mon père était déçu d’avoir une seconde fille. Durant mon enfance, je ne l’intéressais absolument pas. Cette situation a fait naître en moi une force que je déployais pour prouver à mon père qu’il avait tort. Tout au long de ma vie, j’ai voulu lui montrer que je pouvais lui donner satisfaction. Cette motivation m’a permis, très tôt, de réussir au-delà de mes espérances. J’ai obligé mon père à me remarquer et à s’intéresser à moi. Lorsqu’il recevait, notamment des Européens, je m’imposais auprès de lui et ne manquais jamais d’étaler ma pertinence de jeune fille. Avec le temps, mon père a été convaincu par mon attitude et a finalement décidé qu’il fallait que je fasse des études. Dès lors, ma réussite était devenue primordiale à ses yeux. Je me souviens encore que, sur le chemin de l’école, une décapotable bleue était quotidiennement garée devant le tribunal de Meknès. Elle appartenait à une avocate de confession juive. Mon père souhaitait que je lui ressemble. Cette hargne qui m’habitait déjà avait une étiquette que je n’ai pu nommer que plus tard : le féminisme.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N° 83