Tuer un roi, c’est évidemment attenter à l’ordre temporel de la cité, mais c’est également s’affranchir de la loi de Dieu, garante de la bonne marche des affaires terrestres. La crainte des tourments de l’enfer n’a pourtant jamais empêché le pire, et notre histoire fourmille de sultans ou émirs morts violemment. C’est cette histoire, trop souvent oubliée, que vous raconte Zamane.
Un roi est toujours plus qu’un simple chef d’Etat : sa légitimité est à la fois temporelle et de droit divin. D’ailleurs, si les rois européens se sont peu à peu affranchis de leur légitimité religieuse et de leur pouvoir temporel, ils n’en restent pas moins, dans les grands rendez-vous internationaux, encore de nos jours, protocolairement « supérieurs » aux simples présidents de république. C’est dire la sacralité dont est auréolée toute monarchie. C’est dire aussi l’opprobre qui touche tout homme qui se rend coupable de régicide.
Pour rester en Europe, l’Histoire a retenu l’assassinat d’Henri IV d’Angleterre, le 14 mai 1610, mais aussi le supplice exemplaire de son meurtrier. Le «bon roi Henri», d’abord protestant, puis converti au catholicisme (car « Paris vaut bien une messe », confesse-t-il), est mort sous les coups de poignard de François Ravaillac en plein Paris (une plaque commémorative près du forum des Halles est encore là pour rappeler aux passants la triste fin d’Henri IV). Ravaillac, un fanatique catholique, sera supplicié en place de Grève et sa mort sera, à bien des égards, symbolique de la dimension religieuse de son crime. Son ordonnance d’exécution pour «l’inhumain parricide par lui commis en la personne du Roi Henri quatrième est très explicite : le condamné doit [être] tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite, qui tenait le couteau avec lequel il a commis ledit parricide, sera brûlée de feu de soufre, et sur les endroits tenaillés, il sera jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix, de la résine brûlante, de la cire et soufre fondus ensemble. Ensuite, son corps sera tiré et écartelé par quatre chevaux. Les membres de son corps seront consommés au feu, réduits en cendres et jetés au vent». Selon les chroniqueurs de l’époque, sa mise à mort aurait duré une journée entière.
Outre la violence inouïe du supplice, il est intéressant de revenir sur le terme «parricide» employé dans la sentence rendue contre Ravaillac, en lieu et place de «régicide», un mot peu usité à l’époque. Le roi est en fait considéré comme le père de la nation, ses sujets sont ses enfants. Le régicide est dès lors un attentat à la morale universelle et ne peut bénéficier d’aucune justification politique.
Par la rédaction
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