La flexibilité du dirham, annoncée comme imminente, résulte en réalité d’un processus économique entamé dans les années 1980. Chronique d’une libéralisation annoncée.
Prévue de longue date, récemment repoussée en attendant l’ultime avis du Conseil de gouvernement, la flexibilité du dirham est annoncée comme étant “imminente”. Il s’agit en réalité du lancement d’un processus censé durer quinze ans avant d’arriver à une libéralisation totale de la monnaie nationale. Cela signifie donc que la valeur du dirham dépendra plus librement de l’offre et de la demande de la monnaie sur le marché international de change. Un nouveau régime censé remplacer, graduellement, celui que le pays connaît depuis les années 1980 : le régime semi-flexible.
Un régime qui s’est imposé après la grave crise financière et monétaire de la fin des années 1970, qui a résulté de la combinaison de plusieurs facteurs externes et internes. “Sécheresse, déséquilibre budgétaire, choc pétrolier, inflation, volatilité des taux d’intérêt et hausse de la valeur du dollar, tarissement des sources de financement extérieures et détérioration inquiétante des réserves de change”, résume Mounia Benjelloun, économiste. Au point d’en arriver à une situation ubuesque : la dévaluation du dirham, qui était alors plus cher que certaines monnaies étrangères, comme par exemple le franc français ; preuve d’un système financier biaisé.
Résultat ? Le Fonds Monétaire International (FMI) et plusieurs bailleurs de fonds interviennent afin de mettre en place un plan (drastique) d’ajustement structurel pour assainir les finances publiques et réduire la balance de paiements. Dès lors, le royaume s’est engagé dans un large processus de libéralisation et d’ouverture de son économie extérieure, tandis que le dirham est devenu convertible en 1993. La monnaie nationale a donc été indexée au dollar et à l’euro (respectivement 40% et 60% depuis le début des années 2000).
Certains donnent l’exemple de l’Egypte, qui s’est vu imposer un système flexible de change qui a conduit à une dépréciation de la livre égyptienne. Le Maroc, lui, s’inscrit dans une démarche volontaire et pondérée. Et il a pris soin de mettre les garde-fous nécessaires pour limiter tout risque de dévaluation. Cela dit, le risque zéro n’existe pas. D’ailleurs, à ce jour, le processus n’est pas encore enclenché, le gouvernement ayant préféré temporiser, sans en donner les raisons.