Suite à la publication par «Zamane» (N° 53 de mars 2015) de l’article «L’affaire Benmessaoud» concernant le procès des ministres accusés de corruption en 1971, un des protagonistes a souhaité réagir. Il s’agit de Mohamed Jaïdi, à l’époque ministre du commerce, de l’industrie, des mines et de la marine marchande, inculpé également dans le procès. Plus de 40 ans après les faits, il revient pour la première fois sur cet épisode et nous livre ses vérités sur l’affaire.
Quel est votre parcours et comment êtes-vous entré en politique ?
Je suis natif de Salé, issu d’une famille de notables. Mon enfance est marquée par une rigoureuse éducation. Très tôt, j’ai été initié à la religion, à la langue arabe à l’école et au français au collège Moulay Youssef. C’est dans cet établissement que j’ai obtenu mon baccalauréat tout en faisant partie intégrante des mouvements militant pour l’Indépendance. Avec mes camarades, nous battions le pavé et nous nous efforcions d’obtenir de meilleurs résultats que les Français du Lycée Gouraud (actuel Lycée Hassan II à Rabat, ndlr). Je dois dire que nous y parvenions régulièrement. J’ai moi-même obtenu mon baccalauréat avec «mention très bien». Par un concours de circonstances, le mouvement national avait besoin de recadrer les étudiants marocains de Paris dont un grand nombre succombait à l’idéologie communiste. J’ai donc été mandaté dans ce sens en 1953 pour poursuivre mes études dans la capitale française. J’y ai obtenu une licence en droit, puis un diplôme de l’École des sciences politiques. C’est à cette période que nous avons créé avec une centaine d’autres l’Union des Étudiants Marocains en France. L’action politique était à l’époque indissociable des études que l’on suivait. Dans ce cadre, j’ai fait la connaissance de feu Haj Ahmed Balafrej, qui est devenu avec le temps mon mentor. À l’Indépendance, ce dernier m’a invité à le rejoindre, car le pays manquait de cadres. Je suis devenu d’abord son secrétaire particulier, puis chef de son cabinet lorsqu’il a été nommé ministre des Affaires étrangères dans le second gouvernement Bekkaï. Je me souviens du jour où Balafrej et moi avons ouvert les portes du ministère vide et presque en ruines. Il a fallu tout recommencer à zéro. Plus tard, lorsque Mehdi Ben Barka a orchestré la scission, nous avons décidé de quitter le gouvernement. Cette période m’a néanmoins servi à me forger une expérience en ma qualité de directeur de cabinet du ministre. Néanmoins, l’éclatement du parti a représenté mon premier choc politique. Je ne comprenais pas que l’on puisse gâcher le destin de jeunes motivés comme j’ai pu l’être.
Comment avez-vous rebondi pour devenir ministre de Hassan II ?
Après quelques mois passés au chômage, j’ai été contacté en 1960 par feu Abderrahim Bouabid qui souhaitait faire de moi le Secrétaire général du BRPM (Bureau de Recherches et de Participations Minières, ndlr). À vrai dire, cette institution était à l’époque presque une voie de garage pour les cadres sans poste. Mais petit à petit, j’ai gravi l’organisation jusqu’à en devenir le directeur. Pendant quasiment toute la décennie qui suit, je me suis délaissé de la chose politique pour ne devenir qu’une sorte de technocrate indépendant du partisanisme. Ce n’est qu’en 1968, alors que j’étais en vacances à Paris que je reçois un coup de téléphone inattendu. Il s’agissait du Docteur Ahmed Laraki. Le Premier ministre me demandait de rejoindre son équipe gouvernementale. Je suis rentré de suite et c’est ainsi que je suis devenu ministre du commerce, de l’industrie, des mines et de la marine marchande.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
La suite de l’article dans Zamane N° 55