Jamais, sauf peut-être au lendemain de l’indépendance, le débat sur le rôle de la monarchie marocaine n’a été aussi vif qu’en ce moment. Est-ce à dire qu’on s’oriente vers un roi qui règne sans gouverner ? Les avis divergent encore…
Lorsqu’on évoque l’exception marocaine, on fait souvent allusion à la nature de son régime politique, considéré comme une monarchie plus ou moins « souple ». Les qualificatifs sont étonnamment variés. Ainsi, certains évoquent une monarchie « éclairée », « constitutionnelle » (dans le sens du respect du droit de la Constitution), d’autres n’hésitent pas à utiliser les termes de monarchie « autoritaire » ou « dictatoriale ». Le principal intéressé, à savoir le roi Mohammed VI, a longtemps utilisé l’expression « monarchie exécutive » tout en se proclamant « roi citoyen ». Le flou qui règne autour de la nature du régime marocain est sans aucun doute incompatible avec les exigences d’un Etat de droit au XXIe siècle. Certes, les mouvements de contestation que connaît actuellement le Maroc visent le système politique dans son ensemble. Certes, le roi n’a pas été directement pris à partie – ou si peu –, mais c’est bien à lui que se sont adressés les jeunes du 20 février. Le discours du 9 mars n’a d’ailleurs pas manqué de prendre la mesure de cette nouvelle donne : aujourd’hui plus que jamais, on veut croire aux changements que les Marocains réclament depuis l’accession au trône de Mohammed VI. C’est néanmoins pour la monarchie une nouvelle épreuve dans son histoire récente déjà jalonnée d’embûches. Elle a su s’accommoder du Protectorat, pour finalement le combattre. Après l’Indépendance, elle est sortie victorieuse de la confrontation avec les partis nationalistes et a même résisté à deux tentatives de putsch. En 2003, le régime rattrapé par la menace terroriste choisit, pour se maintenir, de faire l’impasse sur la transition démocratique amorcée cinq ans plus tôt. Les principaux acteurs du champ politique et de la société civile semblent alors trouver dans le socle monarchique un accord sur la nature du régime marocain, invoquant pour l’occasion la légitimité historique et religieuse. C’est dire le retournement de situation qu’a opéré Mohammed VI avec le discours du 9 mars. Le tout est maintenant de savoir jusqu’où les Marocains pourront débattre des prérogatives royales, qui sont au cœur de la contestation actuelle. Mais pour que la monarchie marocaine entame une nouvelle ère de son histoire, et avec elle le pays, les textes comme les mentalités devront être révisés.
« La monarchie ne peut être mise en équation », a dit Khalid Naciri, porte-parole du gouvernement, reprenant à son compte une formule de Hassan II après l’interdiction du sondage sur la popularité du roi que voulait publier TelQuel en août 2009. Quel est votre avis ?
Driss Ksikes : Je pense qu’il n’y a pas de tabous en politique. Il n’y a que des intérêts et des rapports de force. Je réponds : oui, la monarchie peut être mise en équation si l’objectif est d’atteindre une meilleure gouvernance. Aujourd’hui les mouvements de contestation arabes, dont le 20 Février marocain, ouvrent la brèche d’une possible reconsidération des rapports de force. Un dialogue a été entamé avec le roi par des acteurs qui ne croient plus en la capacité des intermédiaires politiques à peser dans la balance. C’est donc la question de la monarchie parlementaire qui est mise sur la table aujourd’hui. Personne n’a parlé de république. Ce qui est mis en équation, c’est la forme que devrait prendre le régime monarchique. La question ne concerne pas la nature du régime, mais le degré d’autoritarisme qu’il propose. Sur ce point, il existe une prise de conscience de la nécessité de sortir d’une transition qui n’en finit plus, et de passer réellement à une démocratie où une place centrale est accordée à la légitimité populaire. Je crains aujourd’hui que les partis politiques, dans leur confort de la cooptation, ne veuillent pas prendre le risque de la représentation réelle afin de réduire le pouvoir de la monarchie.
Mohammed Benhamou : Je pense que la question n’est pas celle de la mise en équation. Il existe un très large consensus sur la nature du régime et la monarchie en tant que telle n’est pas contestée. Nous sommes dans une phase où il est question de moderniser l’Etat, mais aussi, par le biais de la régionalisation et d’autres mécanismes, de passer à l’étape de consolidation d’un processus démocratique en cours. Ce long cheminement a certes connu des hauts et des bas, mais nous sommes sur la bonne voie. Les attentes, largement exprimées, ne datent pas de quelques mois, elles existent depuis longtemps. Le roi souhaite aller dans le sens de ces revendications. Nous sommes dans la phase de la légitimité démocratique et nous avons besoin des élites pour accompagner cette dynamique de changement. Les évolutions que connaît le Maroc ne sont pas dues à la pression des bouleversements que connaissent les pays du monde arabe, même s’il y a eu une accélération, qui va servir ce processus de consolidation.
Pensez-vous que le message des contestataires s’adresse
au roi ?
D.K. : C’est un message qui, dès le départ, est polysémique. Contrairement à d’autres pays arabes, où la personne du chef de l’Etat est visée, au Maroc, nous avons un autre type de message. On est donc arrivé à la question centrale de la dissociation des pouvoirs politique et économique. Je pense qu’il y a une certaine pudeur, due aux sentiments de ces jeunes contestataires. Ils n’ont pas franchi la ligne de non-retour. Leur message s’apparente à une sorte de carton jaune, d’avertissement. Ils suggèrent que le Maroc a encore la possibilité de se reprendre. Dans ce sens ils s’adressent indirectement au chef de l’Etat, pour lui signifier qu’ils n’ont pas oublié la promesse de vraies réformes démocratiques du début de règne. Entre les lignes, on demande de pouvoir juger les responsables, quels qu’ils soient.
Le second message évoque l’incompatibilité de l’exercice du pouvoir politique avec la gestion des finances. Il y a beaucoup de gens qui profitent des privilèges et qui se permettent des passe-droits car ils se prévalent de la proximité avec le pouvoir. Finalement, c’est un message qui s’adresse à la classe politique, pour lui dire qu’elle n’a plus de crédibilité, notamment à cause de la corruption. En définitive, je dirais qu’au moins une partie du message est adressé au roi, qui je pense a compris et a répondu partiellement lors de son discours du 9 mars dernier. Cette réponse est d’ailleurs très habile puisqu’il a mis sur la table la question des réformes institutionnelles à un moment où le processus n’était pas achevé. Une réforme de la Constitution est théoriquement l’aboutissement d’un tel processus.
M.B. : Il est temps de parler de cet ensemble qui se retrouve aujourd’hui sous la bannière du 20 Février. Je vais parler d’abord des jeunes, puis de ceux qui sont venus « squatter » par la suite. Les jeunes se sont adressé à l’ensemble des acteurs politiques et plus globalement à l’Etat, donc aussi au roi. Je trouve que leur première démarche est tout à fait normale. Ces jeunes ont trouvé, dans un espace virtuel qui représente leur réalité, un lieu pour exprimer leurs attentes, frustrations et aspirations. C’est donc une façon pour eux d’affirmer leur existence en dehors du cadre des partis politiques, mais également des cadres offerts par la société civile.
Mais leurs attentes apparaissent très clairement sur leurs banderoles : qu’« il règne mais ne gouverne pas » ou encore « une monarchie parlementaire »…
M.B. : Attendez, je parle du début du mouvement. Rapidement, ce mouvement a été infiltré et instrumentalisé, il faut que l’on soit très clair à ce sujet. Je ne minimise pas l’importance de l’action initiale des jeunes, mais je trouve dommage que l’on n’ait pas laissé cette dynamique se développer jusqu’au bout, pour mieux la comprendre. On a rapidement vu des radicaux (qu’ils soient de gauche ou islamistes) se greffer au mouvement. Il ne faut pas se voiler la face : personne ne peut affirmer aujourd’hui que Al adl wal ihsan ou Annahj addimocrati ne sont pas très présents dans le mouvement. Débattre sur les concepts, c’est autre chose. Mohammed Ben Hassan Al Ouazzani (leader du Parti de la Choura et de l’Istiqlal), que beaucoup ne connaissent pas aujourd’hui, avait déjà évoqué une monarchie parlementaire à la fin des années 1950 et au début des années 1960.
Le discours du 9 mars est-il une réponse à la contestation ?
M.B. : Il faut constamment replacer le Maroc dans la dynamique dans laquelle il s’était déjà engagé. La réforme constitutionnelle était inscrite dans la logique des choses. Une année auparavant, nous étions déjà dans l’édification d’une régionalisation avancée. Cela implique forcément une réforme de la Constitution. Dans tous les cas, le Maroc avait besoin d’une nouvelle constitution qui serait celle du nouveau règne, celle de 1996 ayant épuisé ses objectifs. La question de la modernisation de l’Etat ne concerne pas seulement le Maroc. Tout le monde cherche à doter son pays de réformes, répondant ainsi aux nouvelles formes des institutions au XXIe siècle. Dans une logique de consolidation de la démocratie, le Maroc se pose la question de la nature du pouvoir. A cause des attentats de 2003, il est vrai que cette logique s’est vue freinée.
Le discours du 9 mars n’est-il donc, pour vous, qu’une étape logique de la modernisation de l’Etat, malgré la proximité de cette date avec les contestations du 20 février ?
D.K. : Il est évident que le discours est une réponse au 20 février. Auparavant, le processus de réforme de l’Etat était en chantier, voire carrément en suspens. Il ne faut pas oublier qu’en 2002, lors de son discours d’inauguration du Parlement, le roi a clairement signifié que l’heure était à la relance de la croissance plutôt qu’aux réformes démocratiques. Un autre de ses discours faisait état de la « monarchie exécutive ». Il ne faut pas oublier non plus qu’au nom de la sécurité post-16 mai 2003, l’autoritarisme est devenu halal. Aujourd’hui il existe une conjoncture mondiale qui met au jour une crise des structures de représentation. Les soulèvements à travers les réseaux sociaux proviennent de la frustration due au manque de justice sociale. Dans ce contexte, la riposte de l’Etat est partielle, parce que le roi n’a apporté qu’une réponse institutionnelle, sans évoquer la remise en cause de certains acteurs et de leurs agissements.
M.B. : Ce n’est pas une coïncidence. On est dans une dynamique de réformes et de changements. Le roi répond aux attentes et aux aspirations de l’ensemble des Marocains, y compris des jeunes. Ce n’est donc pas une réponse qui ne serait adressée qu’aux jeunes. Il ne faut pas oublier que le mouvement du 20 Février est utilisé par certaines factions à des fins de règlements de comptes politiques et économiques. Preuve en est les noms cités, appelés à « dégager ». On se demande qui est derrière, et surtout qui y trouve un intérêt. Je peux vous affirmer que certains de ces jeunes ne sauraient même pas reconnaître El Himma ou Majidi sur une photo, ou ne connaissent pas leurs fonctions exactes.
D.K. : Les annonces de réformes institutionnelles sont depuis longtemps venues des partis politiques à travers un mémorandum. Le PSU (Parti socialiste unifié) ou l’USFP (Union socialiste des forces populaires) ont depuis longtemps envoyé des lettres à ce sujet, mais bien sûr… silence radio. Les jeunes gens du mouvement du 20 Février – qui soit dit en passant, connaissent très bien l’identité de leurs responsables politiques – ne peuvent être réduits à de simples victimes de manipulation. Cela serait faire injure à leur intelligence et à leur degré de conscience politique.
M.B. : Je n’insulte pas l’intelligence de ces jeunes. Simplement, je pointe du doigt ceux qui sont venus se greffer au mouvement pour le plomber.
D’autres acteurs cherchent à s’adresser directement au monarque. Prenons l’exemple des diplômés chômeurs qui se sont distingués lors de la sortie du roi de la mosquée Al-Sounna le 20 mai à Rabat. Interpeller ainsi le roi est-il une solution ?
M.B. : Non, pas du tout. Ce n’est ni une solution ni même une bonne pratique. Ce n’est pas parce qu’on a obtenu un diplôme qu’il faut exiger que l’Etat vous trouve un emploi. Nous sommes dans une situation où les règles sont contournées, y compris celle du mérite. Il est certain que la question de l’emploi est difficile à gérer, a fortiori en temps de crise économique mondiale. Les attentes des jeunes et des femmes sont sans doute les plus légitimes, car ce sont les plus touchés par le chômage. On doit leur apporter des réponses et c’est vraiment difficile. Pour relever ce genre de défis, on doit miser sur la méritocratie. Je compte sur cette réforme institutionnelle pour nous donner des structures qui le permettent.
D.K. : Le diplômé chômeur s’adresse au roi, comme le ferait n’importe qui pour demander un agrément. La monarchie doit sortir de ce rôle de donneur de rentes. La question est donc plus complexe que le cas que vous évoquiez. Elle concerne le passage d’une économie de rente à une économie concurrentielle. De plus, que fait-on du système éducatif qui échoue à former des personnes ayant un sens de l’initiative et de l’innovation ? On ne peut pas demander à des gens d’être innovants alors qu’on les a formés pour être des moutons de Panurge. Il est évident que l’on assiste souvent à une prise en otage de la part du mouvement des diplômés chômeurs, devenu une sorte d’énième parti politique. C’est également un mouvement de contestation qui demande depuis des années d’autres réponses que celles qu’on leur a proposées. Les grandes entreprises privées sont aussi mises en cause. Au Maroc, les plus riches sont parfois indécents dans l’affichage de leur fortune et cela ne peut qu’augmenter le nombre de frustrés dans l’espace public.
Mohammed Tozy affirme que la cérémonie d’allégeance (la bey’a) est « centrale dans la stratégie de légitimation du système politique marocain ». Comme l’article 19 de la Constitution, relatif au statut de commandeur des croyants, elle est remise en cause. A côté de leur aspect religieux, comment voyez-vous l’utilisation politique de ces deux éléments ?
M.B. : Il faut remettre l’article 19 dans son contexte historique. Pour la constitution de 1962, je vous signale qu’une bonne partie de la classe politique de l’époque la jugeait trop laïque, sans aucune référence à l’histoire et à l’aspect religieux de la monarchie marocaine. L’article 19 est un énoncé général que l’on retrouve dans d’autres constitutions. La commanderie des croyants a accompagné les rois et sultans depuis des siècles. C’est à la fin des années 1970 que l’on va commencer à parler de l’article 19. Il a servi notamment pendant des périodes de transition ou de vacation du pouvoir, mais aussi, il faut l’avouer, à clarifier des situations politiques. Je pense en particulier au groupe USFP de la fin des années 1970 et à la prorogation du mandat parlementaire en 1977, arrivé à terme en 1981.
On se souvient justement de la menace de Hassan II à ce moment là : exclure de la « Oumma » les opposants qui n’accepteraient pas le prolongement du mandat parlementaire. L’article 19 est alors clairement utilisé comme instrument de domination politique.
M.B. : Oui, c’est vrai. Il faut tout de même replacer les choses dans leur contexte de 1981. Je vous rappelle qu’à cette date se tenait la conférence de Nairobi, où le Maroc présentait son plan de référendum pour le Sahara. C’est pourquoi le roi considérait que les élections législatives ne pouvaient être maintenues. Les événements ayant entraîné un vide législatif de 1983 à 1984, on a eu recours à l’article 19 pour combler ce vide. D’autres articles dits de transition auraient pu être utilisés, mais le problème est qu’ils ne peuvent l’être qu’une seule fois.
D.K. : Soit on se réfère à la Constitution comme cadre suprême de l’Etat, soit c’est l’allégeance, à l’opposé. Cette dualité de l’ordre de l’habitus, c’est-à-dire des mœurs et des traditions, a une charge très importante dans la mentalité des gens. L’allégeance vient comme un droit parallèle, un surplus de pouvoir politique, sans parler de la symbolique religieuse. Elle inscrit surtout, dans les mœurs, la notion de servitude volontaire, sans permettre de franchir le cap de la conception citoyenne du service public. Le Marocain devient au service du roi et non pas de la nation. Cela crée de la soumission et un rapport obséquieux qui fausse la capacité de responsabilité des acteurs, même face au chef de l’Etat. Il faut que la seule Constitution soit le référentiel ultime. Même si la commanderie des croyants a pu servir dans l’histoire – je pense au cas du Sahara – beaucoup d’abus ont été commis quand on a recouru à cette notion comme prétexte politique.
D’après vous, l’utilisation politique de cet article est antidémocratique. Que pensez-vous de son utilisation en faveur de la moudawana, une réforme progressiste audacieuse?
D.K. : Vous évoquez ici le rôle positif de la commanderie des croyants. Si la légitimité religieuse est utilisée par l’Etat, elle peut l’être dans le sens du progrès comme elle peut l’être dans le sens de la régression.
Finalement, peut-on prendre le risque qu’il soit utilisé politiquement ?
D.K. : Si cette notion doit demeurer, elle doit l’être en étant complètement déconnectée de l’action politique, simplement de l’ordre de l’apparat symbolique. Beaucoup d’acteurs politiques se retrouvent piégés par la légitimité religieuse. Même les partis de gauche ne peuvent plus se positionner sur la sécularisation, or la dynamique de la société permet d’aller dans ce sens. Prenez le cas de la moudawana, le roi n’a pas voulu prendre le risque d’une confrontation sociale.
Pour permettre le progrès, on a besoin d’un consensus au nom de la légitimité religieuse. Ca peut être perçu comme bénéfique, je pense néanmoins que les débats réglés par consensus ne sont pas toujours vraiment réglés, parce que les différends perdureront dans les pratiques. Il faut parfois accepter la confrontation et les divergences sociales pour atteindre une maturation des décisions politiques de l’intérieur de la société. Les réformes seraient alors mieux assimilées par la société, puisqu’elles émaneraient d’elle.
Lors de son discours du 9 mars, Mohammed VI a promis une plus nette séparation des pouvoirs et un élargissement des prérogatives du Premier ministre. Cela implique-t-il forcément le rétrécissement de son propre pouvoir ? Est-il capable de prendre cette décision sans la pression de contre-pouvoirs ?
D.K. : En communication, lorsqu’on omet de préciser un point, c’est qu’on ne veut dire que ce qu’on veut dire. Le roi affirme que le pouvoir du Premier ministre sera élargi, et insiste sur sa sacralité en tant que chef de l’Etat et commandeur des croyants. Le message est clair. Un roi fort et, à côté, un chef du gouvernement moins faible.
M.B. : N’oublions pas que le socle étatique du Maroc repose sur la monarchie depuis 788, avec l’allégeance des tribus Awarba au sultan Moulay Idriss Ier. Aujourd’hui la question d’un roi qui règne mais ne gouverne pas n’est pas posée. Le roi règne et gouverne selon le cadre imposé par la Constitution.
Au vu du nouveau projet de constitution quelle forme pensez-vous que prendra la monarchie à l’avenir ? Allez vous votez pour ou contre lors du referendum ?
M.B. : Les propositions politiques sont audacieuses. N’oublions pas que le texte est soumis à référendum. Dans la pratique, je pense même que le roi ira plus loin que les directives de la Constitution. Je souhaite, contrairement aux bouleversements de la région, que la transition marocaine se fasse dans la sérénité, dans l’intérêt du Maroc. Un Etat démocratique est un Etat fort. Un Etat fort ne veut nullement dire un Etat sécuritaire. La confrontation de projets pour notre pays est plus que souhaitable, elle est une nécessité. Il faut d’abord qu’il y ait des structures qui la permettent. Quand les jeunes posent des questions, ils attendent des réponses. Je compte voter un « oui » conscient. La nouvelle constitution répond à une logique de l’évolution, adaptée à l’Histoire et à l’avenir de notre pays. La lecture du préambule nous oriente déjà vers un cadre institutionnel qui permet d’instaurer un état de droit respectueux des droits humains. Ce que j’attends de cette constitution est qu’elle nous permette de nous inscrire et de nous projeter vers un Maroc nouveau.
D.K. : La nouvelle constitution ne fait que renforcer la centralité de la monarchie. Or ce que je souhaite, personnellement, c’est un roi respecté et qui soit un dernier recours, et non pas un recours perpétuel. J’ai bien lu le projet de constitution, tel que produit par la commission, puis dans sa version tripatouillée dans les coulisses, et j’ai décidé de boycotter le référendum pour deux raisons. Un, je m’attendais, sur le plan de la modernité sociale et culturelle, à un texte qui libère la société et les énergies, sans magistère moral. Or à ce niveau le consensus populiste a eu raison des quelques idées courageuses contenues dans la première version. Deux, je pense que sans une responsabilisation franche et claire des élites, il n’y aura pas de renouvellement dans les partis et nous hériterons des mêmes caciques et autres corrompus déjà largement décriés, mais dans un cadre nouveau qui leur offre une nouvelle virginité.
Par Sami Lakmahri