En 1953, plusieurs journaux français accusent le sultan alors en exil forcé de sympathies pro-nazies. Le dossier a été monté pour tenter de convaincre l’opinion publique occidentale, y compris américaine, du bien-fondé de la déposition du Sultan. Voici les dessous d’une affaire oubliée.
En politique, lorsque l’on souhaite se débarrasser d’un adversaire encombrant, il existe deux possibilités : le supprimer ou le décrédibiliser. La France n’a pas hésité à employer ces deux options dans le cas du Sultan Mohammed Ben Youssef. Deux mois après sa déposition, puis son exil forcé en 1953, Sidi Mohammed est attaqué de manière virulente par une partie de la presse française, tant en métropole qu’au Maroc. La révélation faite par les médias se veut fracassante. Le Sultan, supposé avoir été loyal à la France libre, aurait en fait collaboré avec l’Allemagne nazie.
Le scandale débute le 28 octobre 1953, à Paris, avec un dossier du quotidien France-Soir intitulé : « Des documents révèlent qu’en 1943, l’ex-Sultan du Maroc, Sidi Mohammed Ben Youssef, présentait ses hommages respectueux à Hitler ». Le journal, qui ouvre sa Une avec ce sujet, étoffe son article par des documents, principalement des échanges de télégrammes entre le Maroc et l’Allemagne, censés avoir été saisis par les services américains au sein du ministère des Affaires étrangères de Berlin, juste après l’entrée des Alliés dans la capitale allemande. Cette année-là, France-Soir est au sommet de sa forme, et diffuse dans tout l’hexagone à plus de 1,5 millions d’exemplaire. Son directeur de publication quant à lui, n’est autre que Pierre Lazareff, une véritable puissance médiatique, qui côtoie le tout-Paris et chuchote à l’oreille des puissants. Colonialiste et conservateur, il n’hésitera pas à conseiller Edgar Faure de « sacrifier 50.000 hommes pour conserver le Protectorat marocain », un matin de 1955 à Matignon.
Par Nina Kozlowski
Lire la suite de l’article dans zamane N° 62