Alors que la France prend possession de l’Algérie, le Maroc tente d’apporter son soutien à son voisin. Près de 60 ans avant le début du Protectorat, Paris montre les crocs à l’empire chérifien. Dans la foulée d’Isly, la ville de Salé fait aussi connaissance avec le futur colon.
Comment un banal naufrage devant l’estuaire du Bouregreg a failli se transformer en une guerre ouverte entre la France et le Maroc ? Lorsque le navire tricolore le «Courraud-Rose» est en partie pillé par les habitants de Salé le premier avril 1851, les futurs colons prennent le parti de bombarder la ville marocaine. Cet épisode n’est en réalité qu’une réplique au terrible séisme de la bataille d’Isly le 14 août 1844. Cette date est vécue comme l’un des plus grands traumatismes de l’histoire du Maroc. Après plus de deux siècles d’invincibilité face aux puissances européennes, l’armée du vieil empire chérifien capitule face à l’imposante puissance de feu française. C’est un tournant. Le Maroc n’est plus ce territoire hostile que personne n’ose vraiment provoquer. La France, elle, n’a pas hésité à l’affronter lorsqu’il s’est avéré que le sultan Moulay Abderrahmane comptait bien soutenir son voisin algérien, l’Emir Abdelkader, farouche résistant à l’implantation française sur ses terres à partir de 1830. C’est donc aux confins de l’oriental marocain que les deux adversaires décident d’en découdre. Au terme d’une violente bataille, les troupes françaises du Maréchal Bugeaud détruisent l’armée impériale. Pour Paris, cette mission punitive sert également à jauger les forces d’un pays sur lequel elle a des visées coloniales. Au milieu du XIXe siècle, la «question marocaine» est à peine naissante. D’autres puissances européennes s’opposent à la volonté d’hégémonie française en Afrique du Nord. L’Angleterre, notamment, soucieuse d’assurer son contrôle sur le détroit de Gibraltar, fait de la souveraineté chérifienne une question d’intérêt stratégique. Paris n’a pas encore les mains libres. Toutefois, la France veut imposer une image de fermeté envers le Maroc.
Par Sami Lakmahri
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