Mohamed Temsamani était un personnage clé dans les rouages de l’administration protectorale au Maroc. Polyglotte, fin et intelligent, il jouera du verbe pour appuyer la propagande des Français au Maroc et censurer les journaux qui allaient à contresens des intérêts du Protectorat.
Il y a quelques années, mourait à Rabat un paisible retraité. La date exacte de ce décès est méconnue, tellement le personnage l’était aussi, ou peut-être parce que personne ne voulait se rappeler de lui, de ce qu’il a été et du symbole qu’il a représenté dans une époque trouble de l’histoire récente du Maroc. Mohamed Temsamani est mort comme il l’avait souhaité, discrètement, et ses funérailles ne furent nullement l’occasion de rappeler le personnage important et trouble qu’il avait été jadis dans l’administration française du Maroc. On aura beau chercher dans la presse ou dans un quelconque ouvrage les traces de cet homme, on ne trouvera rien. Ou très peu. Mais qui était cet homme de petite taille, aux yeux vifs et au sourire malicieux ? Pendant les dernières années du protectorat français au Maroc, Mohamed Ben Mokhtar Temsamani occupait les fonctions de conseiller chérifien à l’information et aux affaires culturelles, un poste administratif de haut rang. Il aurait pu gravir encore plus les échelons de l’administration protectorale si l’indépendance du Maroc n’avait pas tué dans l’œuf ses prétentions. Mais Temsamani était surtout le grand patron de l’implacable machine de la censure qui charcutait les journaux marocains quand ils publiaient des articles qu’il jugeait- il était le seul à le décider – contraires aux intérêts de la France au Maroc. C’est lui qui était derrière ces journaux avec des bandes blanches au lieu d’articles, qu’on peut trouver dans les archives, notamment de certaines bibliothèques du Maroc. La suspension ou la fermeture définitive de journaux marocains, c’était encore lui.
Par Adnan Sebti
La suite de l’article dans Zamane N° 55