Des premiers comptoirs phéniciens aux colonies agricoles françaises, des soldats romains aux corsaires de Salé, des puritains almohades aux prédicateurs d’aujourd’hui, l’alcool a toujours existé au Maroc et sa consommation entourée d’interdits et de restrictions. Dans ce numéro, Zamane revient sur cette longue histoire, où se s’entremêlent intérêts politiques, considérations culturelles, interprétations religieuses et distinction entre sphère privée et sphère publique. Une histoire qui réserve des surprises aux détenteurs d’avis tranchés et définitifs sur cette question.
Dans un célèbre vers d’Abou Nouass, chantre des plaisirs sensuels et charnels de la vie, le poète demande à son hôte de « lui servir du vin et d’appeler ce nectar par son nom, et de ne pas le lui servir clandestinement, quand il peut le faire en public». Comme l’explique Abou Nouass dans la suite de ce poème, un plaisir ne peut pas être apprécié dans le secret et la honte, mais doit être affiché, proclamé et assumé. Cette remarque de l’illustre poète sur l’hypocrisie qui entoure l’alcool est toujours d’actualité. C’est ainsi qu’il existe un décalage total, au sein des sociétés musulmanes, entre la réalité et les normes sociales, quand il s’agit du rapport avec ce breuvage. Prenons l’exemple du Maroc : selon un dahir de 1967, il « est interdit à tout exploitant (…) de vendre ou d’offrir gratuitement des boissons alcooliques à des Marocains musulmans ». Une interdiction claire, nette et sans équivoque. Mais, si on se penche un peu sur les chiffres, une autre réalité apparaît : selon des données rapportées par la presse nationale, pour la seule année 2012, plus de 131 millions de litres d’alcool ont été vendus au Maroc, dont 400 millions de bouteilles de bièreet 38 millions de vin. Or, si cette consommation est réservée uniquement aux visiteurs étrangers, chaque touriste, y compris enfants, personnes âgées et femmes enceintes, aurait bu, en moyenne, 50 canettes de bière et 5 bouteilles de vin ! On imagine un peu la gueule de bois de nos touristes au moment du retour ! Mais, comme tout le monde le sait, l’alcool au Maroc est servi essentiellement à une clientèle locale. Dans une interview récente avec l’hebdomadaire français Le Point, un vigneron installé à une soixantaine de kilomètres de Rabat, explique qu’il n’y a plus assez de raisins dans sa région pour produire du vin, tellement la demande nationale est grande.
Par la rédaction
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