Quand le lecteur lira ma chronique, il sera mieux édifié sur l’opération militaire «Bordure protectrice», lancée par l’armée israélienne le 8 juillet sur Gaza. Mais quelle que soit l’issue militaire, l’opération est porteuse de développements dangereux qui sonnent le glas au brin d’espoir qui s’est profilé un moment, avec les nouvelles configurations au Moyen-Orient : la montée du néo-ottomanisme, l’impérialisme perse et le programme nucléaire iranien, les nouvelles dispositions américaines avec le Plan Kerry pour redynamiser les pourparlers de paix, et les déclarations de responsables israéliens jugés encourageantes pour régler la question palestinienne.
Tout cela est à vau-l’eau désormais. Il rappelle une amère vérité que de naïfs esprits feignent d’ignorer : l’emprise de l’institution militaire en Israël, greffée sur un messianisme religieux et le peu-de-cas que représentent les pacifistes, bons à griffonner des papiers d’indignation et débiter des déclarations sans rien changer sur le cours des choses. Plus grave, la propension au déni d’existence aux Palestiniens, sommés de choisir entre le départ ou des « bantoustans » non viables, est de plus en plus manifeste. Car, c’est le seul choix brandi par les décideurs israéliens désormais qui, après le refus de la solution démocratique et celle de deux États vivant côté à côte, ils ne laissent aux Palestiniens que des lambeaux de terre, avec un vague dessein politique à des populations rongées par le désespoir.
Par son opération « Bordure protectrice », Israël a mis le camp modéré du monde arabe dans la gêne, a affaibli les courats modernistes, y compris au Maroc, qui ne projettent pas une lecture idéologique sur le conflit, plutôt enclins à des relations normales avec l’entité juive. L’Égypte, pièce maîtresse dans la stabilité de la région, risque d’hériter des conséquences de l’après-Gaza. La modération ne paye pas avec Israël. Le vainqueur dans l’affaire est sans conteste l’Iran qui, par l’opération militaire sur Gaza, reçoit un quitus qui redore son blason, entaché depuis qu’il s’est acoquiné avec le régime d’el-Assad.
Le conflit israélo-palestinien ne date pas de la création de Hamas pour faire une fixation sur cette organisation. Hamas, comme Hizb Allah, n’est que la conséquence de l’intransigeance israélienne. Hizb Allah est la résultante de l’opération Galilée pour démanteler l’OLP en 1982, de même que le Hamas est la suite logique du vide créé par Israël dans les territoires occupés et les avanies auxquelles fut soumise l’autorité palestinienne. C’est cette politique qui a conforté le camp des durs. L’onde de choc de l’opération « Plomb endurci » sur Gaza, en début de 2009, soldée par un bilan de 1 300 morts et 5 000 blessés, portait en germe la contestation qui a secoué le monde arabe dans ce qui est appelé « le printemps arabe ». Il n’est pas exclu que l’indignation actuelle alimente la frustration qui fera le lit à la contestation, qui fragilisera davantage le tissu politique dans le monde arabe, déjà suffisamment fragile.
Si enlèvement il y a de trois enfants israéliens et leur assassinat est condamnable, comme l’est l’enlèvement de l’enfant palestinien, Khdeir, brûlé vif. L’opération « Bordure protectrice », prenant les civils, les enfants, les hôpitaux pour cible, est injustifiable. Y aurait-il un droit des gens pour les Israéliens qui ont droit à la paix et à la sécurité et les règles de la jungle pour les Palestiniens ?
Israël a choisi la voie de la force, profitant d’un contexte régional propice, pour mettre en place son agenda dans les territoires. Ce n’est pas une simple opération de « police », mais une reconfiguration des données sur les terrains. Mais, est-ce stratégique, pour Israël, de se trouver nez à nez avec l’Iran, qui trouve rachat avec l’intransigeance israélienne ? Est-ce intelligent de pousser les Palestiniens dans le giron de l’extrémisme ? Est-ce raisonnable de s’aliéner les modérés dans le monde arabe ? Israël réussira-t-il tactiquement pour perdre stratégiquement ? Si victoire il y a, elle sera à la Pyrrhus.
Lancer des roquettes sur Assdod ou Tel-Aviv, pour prendre les civils comme cibles, est condamnable. Mais, n’est-il pas condamnable d’asphyxier Gaza par le blocus maritime imposé par Israël et la fermeture du passage de Rafah par les autorités égyptiennes ? Toute solution doit passer impérativement par l’allégement des conditions de vie des habitants de Gaza. C’est là où se trouve le nœud du problème. La radicalisation n’est que la suite des conditions précaires des habitants de Gaza.
Aba Eban se gaussait des Palestiniens en disant qu’ils ne rataient jamais d’occasion pour rater une occasion. On pourrait retourner la chose, dorénavant, en disant que les Israéliens ne ratent jamais d’occasion pour rater une occasion. Israël est-il en train de couper avec le génie juif ?
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane
Ce serait une grosse erreur de croire que les Palestiniens combattent Israel et que le conflit israélo-arabe est strictement axé sur la naissance de l’Etat hébreu…
Les massacres qui ont eu lieu à Gaza n’est qu’un chapitre d’un même scénario : les Etats arabes riverains ont bien « vendu » la terre de Palestine au début du XXème siècle contre des promesses faites par les Anglais de faire de chaque pays « ami » une « puissance arabe incontournable ».
Le marché stipulait que les pays arabes « amis » contribuent à mater la rébellion des tribus et à désarmer les populations locales, et ce afin de « garantir la paix dans la région ».
Toutefois, ce marché est en tous points similaire à la fameuse fable connue de tous, et qu’on résume par la phrase suivante :
« إنما أُكِلتُ يوم أُكِل الثورُ الأبيض »
l’intransigeance israelienne a mis le clan moderé dans le moyen-orient devant l’impasse ou bien soumission ou bien la guerre et servi largement l’agenda des extremistes et des discours ubuesques. Je trouve que le professeur Hassan Aourid a bien decortiquée la question loin des analyses simpliste et ideologique.