Le traitement du dossier du Sahara par l’ONU nous a jusqu’ici habitués à des lenteurs et à du bégaiement diplomatique que nous avons fini par intégrer. Apparemment, ce surplace, qui semblait mutuellement convenu par les parties concernées, n’est plus la règle. Le tout dernier passage du même dossier devant les instances onusiennes a sonné le temps de l’accélération ; comme pour dire que 40 ans de statu quo, ça suffit. Nous voilà donc face à un nouveau rythme qui est de nature à changer les postures et les stratégies dans les deux camps par rapport au facteur temps.
Rarement une résolution de l’ONU au sujet du Sahara aura suscité une attente aussi fébrile. L’angoisse et la tension étaient perceptibles sur les visages et dans les propos des officiels. Il en était presque autant pour les citoyens attentifs à l’évolution de cette affaire d’intérêt national et régional. On se demandait, avec appréhension, de quoi la grande tour de verre de Manhattan allait accoucher. Le produit final était loin d’être acquis d’avance. Dans les couloirs des chancelleries les plus influentes sur le cours du factuel international, la bataille diplomatique battait son plein. Depuis son internationalisation, dans les années 1980, la question du Sahara n’a jamais autant fait l’objet d’un débat aux résonances mondiales. A Rabat comme à Alger, le temps était venu de se compter.
Côté marocain, la diplomatie royale a développé toute sa voilure, en mettant le cap sur l’est et en jetant l’ancre dans le Golfe arabique. Il y a eu deux projets successifs de résolution du même auteur, américain. Le premier totalement aligné sur les prétentions hégémoniques de l’Algérie. Le deuxième relativement acceptable pour le Maroc. C’est la deuxième mouture qui a été retenue. Elle est tombée le 29 avril 2016. Un accouchement douloureux, quasiment par césarienne. C’est effectivement la première fois, depuis 1988, qu’une résolution sur cette affaire n’est pas votée à l’unanimité. Au-delà de l’abstention de la Russie, de l’Angola et de la Nouvelle-Zélande, les votes contre du Venezuela et de l’Uruguay ont cassé le consensus habituel. Le vote positif de la France, de la Chine, du Royaume-Uni, de l’Espagne, du Sénégal et de l’Egypte a été déterminant. Satisfaction compréhensible à Rabat où le sentiment général est que nous revenons de loin au regard d’un rapport de force initial nettement défavorable. Déception rentrée à Alger qui semblait pouvoir obtenir partie gagnante de manière explicite.
Depuis des mois, en prévision des délibérations de l’ONU, l’Algérie a mené une campagne d’une rare violence à l’égard du Maroc. Le réseau diplomatique algérien n’avait plus que la question du Sahara sur son agenda, avec caisse ouverte comme ultime argument de persuasion. On ne cessera jamais de se demander pourquoi cette culture de la haine consciencieusement orchestrée ! Et où les dirigeants d’Alger veulent en venir ! Si l’objectif est de déposséder le Maroc du tiers de son territoire, il faudra bien passer par une guerre. Non pas les escarmouches autour de Tifariti, avec le ramassis multi-sahélien du Polisario, mais une vraie guerre avec l’Algérie, au nom de la légitime défense et du droit de poursuite. La menace d’une reprise des hostilités, sous forme de harcèlement armé, a été, une fois de plus, agitée par le Polisario, en rupture avec le cessez-le-feu instauré en 1991. Il n’est pas sûr que ces démonstrations provocatrices ne débordent pas. La question qui brûle les lèvres depuis des décennies est toute simple : à qui profiterait une confrontation militaire entre le Maroc et l’Algérie, qui ferait basculer le nord-ouest africain dans l’inconnu et le chaos ? Certainement pas aux peuples de la région. Evoquant la situation du monde arabe, dans son discours devant le Conseil de coopération du Golfe (CCG), le 20 avril 2016, le roi a eu cette réflexion : « Les plans d’agression attentatoires à notre stabilité se poursuivent toujours et ne cesseront pas. En effet, après avoir morcelé et détruit nombre de pays du Machreq Arabe, les voilà qui s’en prennent aujourd’hui à son flanc occidental. Le dernier plan en date concerne les manœuvres orchestrées contre l’intégrité territoriale du Maroc ». Avec ce dernier épisode en date sur le Sahara, nous avons peut-être gagné une bataille, mais pas la guerre diplomatique, sans merci, qui nous est imposée par nos voisins.
Nous sommes attendus au tournant, avec deux échéances, dans trois mois pour la question du retour, ou non, du personnel civil de la Minurso, puis en avril 2017.
Le calvaire de Sisyphe continue.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION