En matière vestimentaire, l’accessoire forme l’essentiel. Surtout lorsqu’il devient un symbole politique.
Le couvre-chef a de tous les temps constitué une pièce maîtresse dans l’apparat des hommes comme celui des femmes. Pour s’en convaincre, il suffit de visiter un cimetière turc à Istanbul. Sur les tombes, on place généralement une pierre sculptée représentant la forme du couvre-chef que le défunt portait avant sa mort. C’est que le type de coiffure varie selon la classe et l’appartenance sociale de l’homme. Le turban d’un qadi est bien différent de celui d’un simple paysan par exemple. Dans la société ottomane, on estimait que la coiffure de l’homme dans sa vie était tellement importante qu’il devait la garder même dans l’Au-delà. Au Maroc, le turban avait socialement une valeur symbolique tellement grande que l’un des pires déshonneurs qu’on pouvait infliger à une personne était de lui enlever son couvre-chef. Avec la modernisation des sociétés dites orientales, les premiers signes de l’occidentalisation ont touché le style vestimentaire de ces sociétés, en commençant par l’armée. Mais l’adoption de la tenue militaire européenne n’a pas pour autant conduit à l’abandon du couvre-chef traditionnel. Ainsi avec la modernisation de l’armée ottomane au 19ème et début du 20ème siècle, les officiers turcs se sont accrochés à leur fez même quand ils ont adopté la tenue militaire occidentale. Dans le reste du Moyen Orient, les élites civiles et militaires ont fait de même. Qui ne se rappelle pas du célèbre chanteur égyptien Mohamed Abdelouahab tiré à quatre épingles dans son costume à l’occidentale, mais ayant bien pris soin de toujours garder son fez rouge sur la tête ?
Plus récemment, le chef de l’OLP, Yasser Arafat, ne portait pour apparat officiel que sa tenue militaire occidentale, mais toujours avec le keffieh palestinien sur la tête. De sorte que cette keffieh s’est transformée en symbole national de la résistance palestinienne. C’est dire l’importance de la coiffure dans la construction de l’identité des peuples.
« Tarbouch al watan »
Quand Mohammed Ben Youssef est envoyé en exil, le 20 août 1953, il ne portait rien sur la tête. Deux ans après, il est rentré au pays avec un drôle de tarbouch. Les Marocains étaient nombreux à l’accueillir ce jour du 16 novembre 1955 à l’aéroport de Rabat-Salé. Mais quand Ben Youssef sortit de l’avion, l’émotion était tellement grande que le peuple marocain ne prêta aucune attention à ce tarbouch blanc, en forme d’une barque renversée, qui n’avait rien de marocain, et que même les Arabes du Machreq ne portaient pas.
Sans se poser de question, les Marocains adoptent ce couvre-chef qui devient immédiatement le symbole de la lutte du roi et du peuple pour la liberté. On l’appela tarbouch al watan (tarbouch national) et pendant les toutes premières années de l’indépendance ce couvre-chef est consacré par toute une génération de nationalistes à commencer par Allal El Fassi. Mais d’où venait cette innovation vestimentaire ?
Par Mohamed El Mansour
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