René Gallissot est un spécialiste du maghreb, qu’il connaît pour l’avoir parcouru plusieurs fois. Et dont il analyse pour nous le présent et le futur à la lumière des printemps arabes et de la crise mondiale.
Les dernières élections en France confortent la montée du Front National, même s’il n’a pas encore obtenu de résultats significatifs. Quel regard portez-vous sur l’ascension d’une formation politique fondée, en partie, par des membres de l’OAS (Organisation armée secrète), nostalgiques de la colonisation en Afrique du Nord ?
Le plus inquiétant dans cette actualité est à mon sens le caractère répétitif adopté par la plupart des médias français. Cette campagne est marquée par une fixation, plus qu’une obsession, sur le Front National. Tous les sujets d’actualité comme le terrorisme ou le sort des réfugiés deviennent automatiquement liés aux campagnes électorales. Une dérive inquiétante lorsque l’on sait qu’en France, comme dans la plupart des autres pays, seule la moitié des citoyens vote. Nous sommes dans une histoire électorale qui semble déjà vidée d’une part de son contenu du fait que l’expression démocratique par les élections ne remplit pas tous les critères de légitimité. La seconde coupure concerne la structure politique qui classe les partis traditionnels d’un côté et le FN de l’autre. La disqualification des partis politiques incite la moitié qui vote à tourner le regard plus facilement vers l’extrême droite. L’autre problème, qui ne concerne pas que la France, est que toutes les élections sont secondaires par rapport à la présidentielle. Vous remarquerez que cette dernière est la seule qui se prépare dès qu’elle est terminée. De plus, cette échéance est caractérisée par un impératif, celui de trouver un leader incontesté pour chaque parti traditionnel. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Des Etats comme le Maroc et l’Algérie occupent-ils la même place aux yeux du renouveau de ce nationalisme protectionniste français ?
Bien que les réactions soient moins virulentes à l’égard de l’Algérie qu’auparavant, cette dernière représente le plus la pierre de touche du passé colonial. Le Maroc n’incarne pas cette figure de l’histoire. Il est aujourd’hui considéré comme un pays ami de la France, ce qui permet des rapports complices, comme le prouve la convention judiciaire bilatérale qui pourrait laisser impunis les crimes commis de part et d’autre si je puis dire. Cette particularité, qui demeure du reste contraire aux conventions internationales signées par les deux pays, confirme à mon sens la pérennité de l’affaire Ben Barka. Nous reconduisons en effet l’impossibilité de l’action judiciaire de chaque côté. Le cas de l’Algérie est rendu plus complexe par l’incompréhension des rouages de son système. Des dispositions politiques qui forment une sorte d’immobilisme perpétuel. Une situation figée qui est due au fait que le régime ait éliminé toute alternative politique.
Propos recueillis par Sami Lakmahri et Mostafa Bouaziz
Lire la suite de l’article dans Zamane N° 63