Peut-on à la fois être un pionnier de l’édition francophone au Maroc et en même temps président de l’un des clubs de football les plus populaires du pays ? Abdelkader Retnani ne voit pas où est l’antagonisme. L’actuel directeur et fondateur de la maison d’édition « La Croisée Des Chemins » a bien été patron du Raja de Casablanca entre 1985 et 1989. Ce grand écart professionnel résume à lui seul le parcours d’un homme qui ne craint pas l’adversité. Il nous explique comment il fait face à la morosité du milieu de l’édition marocaine, secoué par la crise sanitaire. Il revient aussi sur une jeunesse fougueuse et livre les secrets des Verts à la fin des années 1980. Entretien jonglage avec un professionnel du papier et du ballon…
Comment se porte aujourd’hui le livre au Maroc ?
Lors du dernier Salon du Livre de Casablanca (SIEL), l’actuel chef de gouvernement m’a demandé pourquoi les Marocains ne lisent pas. Je lui ai répondu que, tout simplement, ils n’avaient pas accès à des lieux où se trouvent les livres. Prenez l’exemple de Casablanca, lui disais-je, la majorité des quartiers populaires n’ont même pas de librairie. De plus, et comme tout autre produit, nous devons faire la promotion du livre. La presse y contribue depuis quelques années, bien qu’elle ait été maladroite au départ. Je me souviens à ce sujet que jusque dans les années 1990, la presse présentait les livres en signalant le titre, l’auteur, mais pas la maison d’édition. J’avais expliqué que l’éditeur faisait partie de l’identité de l’ouvrage et qu’on ne pouvait pas ne pas le signaler. C’est donc toute une culture autour du livre que nous devrions développer. Je pense tout de même que nous avons fait quelques progrès en la matière. Aujourd’hui, un livre qui bénéficie d’une bonne couverture médiatique peut réaliser des ventes intéressantes au Maroc. Je veux rester optimiste en pensant par exemple au livre best seller «Au-delà de toute pudeur» de Soumaya Naamane-Guessous, pour lequel nous avons consacré pas moins de onze éditions à 4000 exemplaires chacune. Des chiffres exceptionnels, mais que nous avons réalisés en 22 ans.
On dit que c’était mieux avant…
Mon esprit cartésien m’oblige à me référer à des chiffres. En 1987, soit l’année de la première édition du SIEL, 850 titres sont parus au Maroc. À titre de comparaison, et à la même époque, le Liban, pays de tout temps malmené et dont le marché est bien plus étroit que chez nous, publiait 4000 titres. En 2019, le Maroc affiche 3000 titres parus. Evidemment, nous sommes encore loin du compte, mais force est de constater que nous progressons. À votre question de savoir si c’était mieux avant, je peux au moins vous affirmer que c’est plus qu’avant.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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J’attends avec impatience la sortie en kiosque des numéros format papier que nous avons » ratés » faute de Corona à l’instar de ce que vous avez fait en juillet dernier en mettant en vente dans les kiosques les deux numéros de Zamane, en arabe et en francais.