Écrivain et journaliste, Driss Ksikes revient sur les mutations de la presse marocaine durant les 20 dernières années et sur les enjeux d’un champ où se croisent passions, intérêts économiques et pressions politiques.
Comment analysez-vous l’évolution de la liberté de la presse au Maroc durant ces dernières années?
Pour comprendre cette évolution sur la durée, il faut remonter deux décennies au moins en arrière. Au fait, le journalisme professionnel qui cherche à trouver sa place dans l’espace public, avec une logique capitalistique et industrielle, ne commence réellement qu’en 1992. C’est l’année où sont nés plusieurs journaux à capitaux privés et des logiques nouvelles de connivence et une prééminence de l’information. C’est la date de naissance des deux hebdomadaires L’Economiste et Maroc Hebdo International. C’est également l’année où Jean-Louis Servan Schreiber (JLSS) entre dans le capital de La Vie Eco, événement annonciateur d’une nouvelle presse d’investigation. L’indépendance, et la liberté qui en découle, s’entendent alors par rapport aux partis, principalement. L’éclosion de cette nouvelle presse a coïncidé avec un début de libéralisation; Ce qui ne veut pas dire que cette presse est libre, loin s’en faut, mais que le contexte économique où elle voit le jour est plus libéral, alors que le contexte politique est autocratique et en mal de vernis médiatique. Le livre-scandale, Gilles Perrault, Notre ami le roi, vient de paraître. La chaîne française TF1 vient de mettre sur la table le dossier, jusque-là invisible, du bagne de Tazmamart. Et la stratégie mensongère, outrageusement propagandiste du régime, atteignait ses limites. Le régime cherchait donc à se créer une meilleure image, tout en rassurant le monde économique, largement francophone. D’où le fait que l’ONA, holding royale, ait été le premier groupe « privé » à contribuer à la mutation du soft power, à travers 2M et le groupe de presse «Caractères».
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°36