Les émeutes sanglantes des 23 et 24 mars 1965 ont été initiées par de très jeunes gens. Mais ce sont les politiciens qui ont négocié avec le Palais la sortie de crise, pour aboutir seulement à une dictature renforcée.
Al’origine, de simples protestations de lycéens contre un règlement scolaire. Au final, de terribles émeutes, avec la répression la plus brutale depuis l’Indépendance. C’est le 22 mars, à Casablanca, qu’éclatent des manifestations d’élèves. Selon plusieurs témoignages que nous avons recueillis, le premier noyau se forme au lycée Moulay Abdallah, sis boulevard Modibo Keita. Il est très rapidement grossi par les élèves du lycée Mohammed V. Les filles de Al Khansae ne sont pas en reste. Les rassemblements, qui se transforment parfois en marches aux abords de l’avenue Mohammed V, sont strictement pacifiques. Les slogans dénoncent surtout la politique d’exclusion du ministère de l’Education. Une circulaire a en effet interdit aux élèves de plus de quinze ans de suivre leurs études en sixième.
«Hassan II, au bûcher !»
Mais dès le lendemain, la répression policière commence. Du coup les manifestations se transforment progressivement en de violentes émeutes populaires à Casablanca.D’autres villes du pays, comme Fès etRabat, sont également touchées – mais la répression y est moins rude. Des ouvriers et des chômeurs grossissent les rangs des manifestants. De fait, le petit peuple, dans le désenchantement général qui a succédé à l’euphorie des premières années d’indépendance, a au moins un espoir : celui de voir un jour ses enfants scolarisés devenir salariés de l’Etat et améliorer ainsi la situation de la famille. Les petites gens ressentent donc la décision gouvernementale comme une provocation insupportable. Les bus qui s’aventurent à circuler sont attaqués à coup de pierres puisincendiés. Les banques sont dévastées, les commissariats assiégés. Le 24, la rage populaire atteint son paroxysme. Des slogans contre le roi sont scandés. L’un des plus utilisés est : « Maticha wal malha wal Hassan khassou dhabha » (qu’on pourrait traduire par « Tomates salées ! Hassan II au bûcher ! »). On peut dire que ces émeutes représentent le premier indice historique sérieux du fait que le Maroc, qui vient de recouvrer sa souveraineté suite à un mouvement politique commencé en 1930, a mal négocié son pacte social post-indépendance.
Par Maâti Monjib
Lire la suite de l’article dans Zamane N°7