Le héros de la victoire d’Anoual, symbole du nationalisme marocain, aurait-il été contre l’Indépendance de son pays ? Un document signé de la main d’El Khattabi semble étayer cette thèse.
Difficile d’imaginer qu’une personnalité aussi charismatique qui symbolise la lutte pour la libération nationale au Maroc et dans le reste du monde, ait pu s’opposer à l’indépendance de son propre pays. Pourtant, le 2 Juin 1956,Mohamed Ben Abdelkrim El Khattabi en exil au Caire se serait fendu d’une missive, intitulée «Communiqué au peuple marocain». Dans ce sévère réquisitoire contre l’Istiqlal et plus spécialement ses chefs et son zaïm, Allal El Fassi, le parti est accusé de «propager les idées fascistes», d’«instaurer un régime de dictaturede pactiseravec l’ennemi, mais surtout de détourner l’armée de libération marocaine de sa véritable tâche, celle de combattre les colonialistes les armes à la main, et de l’instrumentaliser dans la guerre fratricide que livre le parti de l’Istiqlal contre les nationalistes qui ne partagent pas ses idées et ne cautionnent pas sa politique». Voilà qui est clair. Ce document étonne à plus d’un titre. Tout d’abord, il est édité début juin 1956. Le sultan Sidi Mohamed Ben Youssef a alors récupéré son trône après son retour triomphal d’exil le 16 novembre 1955, et c’est lui qui préside aux destinées du Maroc et, non pas le parti de l’Istiqlal. Plus étrange encore, l’émir du Rif a même condamné fermement, dans un communiqué conservé par des nationalistes tunisiens, l’exil du sultan Sidi Mohammed en août 1953.
Par ailleurs, le zaïm Allal El Fassi, pris violemment à parti dans ce communiqué, ne dirigeait pas le parti de l’Istiqlal dans les faits. Lui non plus n’était pas satisfait du déroulement des négociations pour l’Indépendance du pays, tant et si bien qu’il dénonçait lui aussi «une Indépendance tronquée».
Faux et usage de faux ?
Question : le document en question serait-il un faux ? C’est en tout cas ce que pensent une majorité de nationalistes encore vivants aujourd’hui. Le document date de 1956, et fait partie d’un lot, conservé aux archives du sinistre commissariat du 7e arrondissement de Casablanca. Sinistre, car c’est dans ce lieu de torture qu’au lendemain de l’Indépendance, étaient incarcérés des groupes de nationalistes. Le document qui aurait été signé de la main d’El Khattabi, figure parmi les éléments du dossier de l’affaire de la «filière rifaine». Selon ce dossier, un réseau rifain se réclamant du héros de la bataille d’Anoual fomentait un complot contre l’Etat.
Par Mostafa Bouaziz
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