Une femme politique qui fait de la recherche universitaire. Mais aussi une chercheuse qui fait de la politique. Sociologue, militante, ex-ministre et ambassadrice, Aïcha Belarbi navigue entre les mondes. Dans cette entretien sincère et sans complaisance, elle revient sur son parcours depuis sa ville natale de Salé, avec au menu son parcours comme militante de gauche, disciple de Paul Pascon, féministe de la première heure, ministre du gouvernement d’alternance…
Madame Belarbi, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
À coté de la poésie et la peinture, j’ai consacré ces deux dernières années à l’activité qui m’est le plus chère, à savoir la recherche sur la thématique la plus pertinente à mes yeux, «l’éducation des filles marocaines depuis la période précoloniale à nos jours». Je profite de la grande documentation que j’ai pu réunir tout au long de ma carrière et celle des archives diplomatiques (Nantes) et autres pour rédiger le premier volume d’un livre que je suis en phase d’achever.
Vous êtes devenue l’une des spécialistes de l’éducation des femmes marocaines, quelle est la synthèse que vous tirez de votre enquête en cours ?
Il faut toujours avoir une approche comparative et une approche qui part de la genèse d’un phénomène et suit son évolution lorsque l’on réalise ce type de travail. C’est pour cela que mes recherches sur la socialisation de l’enfant m’ont permis de déceler à la base les images et les représentations différentielles relatives aux filles et aux garçons, et qui aboutissent à une discrimination entre hommes et femmes. À cet égard, nul doute que même si les femmes jouissent aujourd’hui des mêmes droits que les hommes, elles ne jouent pas les mêmes rôles, n’ont pas les mêmes responsabilités, à quelques exception près, ce qui entrave gravement leur épanouissement personnel, social et professionnel. Bien que la situation ait bien évolué ces deux dernières décennies, nous traînons encore un lourd héritage d’inégalité des genres. Depuis des siècles, la mentalité dominante de notre société n’estime pas que les filles doivent être instruites. La place de la femme est dans le foyer et toutes les instructions dont elles peuvent bénéficier vont dans le strict intérêt de la famille et non pour elles-mêmes. Si l’éducation d’une Marocaine lui donne l’autonomie économique, elle doit également servir au bien-être de son mari et de ses enfants.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’article dans Zamane N°109 (Décembre 2019)