André Azoulay n’a jamais caché la fierté qu’il éprouve à l’égard de sa ville natale, Essaouira. Cette dernière est devenue pionnière dans la réhabilitation du patrimoine historique.
Comment le pari de faire ressusciter Essaouira par la création artistique est-il né ?
Pour bien comprendre notre démarche, il est nécessaire de la situer dans une perspective globale. La première édition du festival date de 1997, mais le projet initié par quelques uns d’entre nous de redonner ses chances à la cité des Alizés, remonte à 1991. Essaouira était encore « la belle endormie » et « la grande oubliée » de notre histoire contemporaine. Son rayonnement institutionnel, économique et culturel avait commencé à décliner pendant le Protectorat. Les raisons n’en sont pas totalement claires, mais le fait est que l’ensemble de la région a souffert plus que d’autres de la colonisation. Le maréchal Lyautey a eu de fortes réticences, voire des craintes à l’égard d’un environnement qui lui était bien moins familier que le Nord ou l’Oriental, par exemple.
Le caractère insulaire et bien trempé de la cité atlantique modelée par une proximité exceptionnelle entre les civilisations berbère, arabe et juive n’a pas franchement séduit le maréchal. Ce Maroc différent, qui déjà faisait rayonner notre pays au-delà des mers, n’était pas celui qui nourrissait son imaginaire et sa sensibilité. L’inclinaison bien connue des Souiris pour la langue et la culture de Shakespeare n’y a pas aidé non plus.
Comment ce projet de réhabilitation est-il devenu une réalité aujourd’hui ?
Deux années avant ma nomination par Sa Majesté, mon épouse, ainsi que deux de ses amies, ont écrit un livre (Katia Azoulay, Régine Sibony et Elsa Rosilio, Mogador, Parfums d’enfance). Le succès de cet ouvrage a été un signal fort, tout restait possible. Quelques semaines après avoir pris mes fonctions à Rabat, j’ai fondé avec de nombreux amis souiris l’Association Essaouira-Mogador et, ensemble, nous sommes partis à la reconquête de la renaissance souirie que nous avons articulée autour de trois postulats : l’histoire, le patrimoine et la culture.
Essaouira, chacun le sait, c’est le geste d’un architecte inspiré sur la mer. Un geste magnifique et un architecte pionnier et visionnaire avec en héritage pour nous, de vieilles pierres majestueuses qui ont chacune de grandes histoires à nous raconter. Ce patrimoine, nous en avons fait la plateforme du renouveau de la ville. Une plateforme à partir de laquelle, au fil du temps, ont convergé la culture et toutes les formes de création artistique qui ont jalonné et jalonnent le parcours souiri, qu’il s’agisse des arts plastiques, du cinéma, de la littérature ou de la musique.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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