Les Atlantic Dialogues sont une association de réflexion maroco-marocaine à caractère international. Elle se veut dans cette dimension à partir de débats sans frontières et d’idées très porteuses. À première vue, l’ambition déclarée peut paraître prétentieuse, sauf que la structure est installée, elle a pris ses quartiers à Marrakech, et la portée mondiale de ses messages est toujours un peu plus affirmée. Car les intervenants sont de tous bords, de toutes nationalités et sans préalable d’obédience doctrinale. Ils sont hautement qualifiés et savent de quoi ils parlent. Ils sont à l’écoute du monde et eux-mêmes parfaitement audibles. Assurément, Marrakech est devenue le lieu réceptif des attentes, des soubresauts, des innovations et des évolutions dans le monde.
Parmi les sujets traités, dans cette septième édition tenue du 13 au 15 décembre 2018, on y trouve « la dimension humaine de la migration», «l’ère digitale et le contrat social moderne», «la déconstruction de l’ordre mondial américain», «l’OTAN peut-il survivre au changement de l’ordre géopolitique»…
Comme attendu, une conférence avec un tel potentiel d’audience internationale ; une telle richesse thématique avec leurs historiques, leur impact et leur portée sur l’avenir immédiat, est difficile à résumer. On retiendra toutefois quelques passages significatifs.
Pour Karim Al Aynaoui, l’organisateur de l’événement, «le mot Atlantic renvoie souvent à l’Amérique du Nord et l’Europe. Nous sommes décidés de notre côté de parler du sud et de l’Afrique, notamment, pour créer un espace où le Nord et le Sud se rencontrent. Nous voulons parler d’un Sud décomplexé, le voir avec notre propre regard, partant de la conviction que le dialogue n’a jamais été aussi important». Maria Theresa Fernandez de la Vega, la principale cause de la migration n’est autre que la montée des inégalités dans le monde : «Nous avons atteint une situation où 10% de la population du monde détient 90% de la richesse mondiale. Comment ne pas avoir de la migration?». Les nouvelles technologies imposent un nouveau contrat social, mais les populations d’Afrique et généralement les pays en voie de développement risquent d’être dépassées. Quant aux réseaux sociaux, « elles représentent une fenêtre d’échanges et de libre expression, mais pas une alternative à la démocratie réelle». Mise en cause par la montée du populisme, la mondialisation a été au centre du débat. Pour Madeleine Albright, ex secrétaire d’État des USA «la mondialisation est une arme à double tranchant, qu’on ne peut identifier clairement ni arriver à cerner ses facettes» . Mme Albright a également partagé son sentiment d’inquiétude à propos de la politique étrangère de Donald Trump : «Comment un pays tel les Etats-Unis peut-il se plier et libérer cet espace à l’échelle internationale… L’Amérique ne peut se positionner en simple gendarme du monde». Hubert Vedrine, ancien ministre des Affaires étrangères de France estime, quant lui : « que les incohérences de Donald Trump sont perçus par certains comme la traduction d’un difficile apprentissage du pouvoir». Rien n’est moins vrai, car il s’agit plutôt « d’un mouvement de fond qui va progressivement bouleverser l’ordre international tel qu’il a existé depuis 1945, et faire apparaître un nouveau monde lourd de menaces et de déséquilibres». L’OTAN a-t-il encore sa raison d’être dans ce chamboulement mondial accompagné d’un système multilatéraliste, lui même sujet à caution. À la fin de la conférence, la mission de Atlantic dialogues qui est de promouvoir le dialogue transatlantique entre toutes les parties prenantes de cet espace géostratégique, Afrique, Caraïbes, Europe, Amérique Latine et États Unis, a été rappelée.
Alors qu’il avait tout intérêt à tirer profit d’un système d’évaluation à partir d’une observation tout en rigueur scientifique, le Maroc, du moins ses officiels et son corps universitaire, s’est contenté d’une présence au minima. Une attitude difficile à comprendre, sachant qu’une structure comme Policy Center lui serait d’un grand apport. Il faut juste espérer que d’ici la prochaine édition cette lacune béante sera comblée.
Par Youssef Chmirou