Le concept d’allégeance ne peut être réduit à la seule bey’a. Car au-delà du serment d’investiture, il s’agit d’un pacte politique permanent entre le souverain et son peuple, le wala’, sans cesse renouvelé à l’occasion des harkas ou du prélèvement des impôts.
Dans l’historiographie classique, l’investiture d’un nouveau prince est le moment privilégié pour rappeler à la mémoire collective la doctrine malékite du pouvoir. Les rédacteurs des bey’as, fuqahas ou kâtibs, s’ingéniaient, à l’occasion de chacune de ces intronisations, à suivre à la lettre le code établi en attribuant aux princes investis toutes les conditions de validité exigées par cette doctrine pour l’investiture de l’imâm. Les historiographes qui rapportent ces bey’as, à l’occasion de leurs récits dynastiques, ne soumettent jamais le texte à l’épreuve de l’Histoire. Leurs commentaires se limitent à rappeler le respect des conditions juridiques en affirmant chaque fois la validité de la bey’a, quel que soit l’homme investi et quelle que soit l’histoire de son règne. Le formalisme juridique faisait foi non seulement pour le juriste garant de la doctrine, mais aussi pour l’historiographe, témoin ou rapporteur des faits…
La question de l’allégeance se réduit dans cette conception du politique à la ratification du serment de la bey’a. Les historiographes, qui inaugurent toujours leurs récits dynastiques par l’évocation de cette cérémonie solennelle, décrivent les codes et les rites de cette bey’a sans beaucoup insister sur les transactions qui l’entourent. Les problèmes de la transition et l’effervescence politique générale que connaît le pays à l’occasion de la disparition de chaque souverain ne sont que très fragmentairement évoqués.Les péripéties qui agitaient les représentants des différentes couches de l’élite, à l’occasion de cet exercice ô combien périlleux de la bey’a dans le Maroc traditionnel, ne sont, de leur côté, évoquées que très partiellement, et seulement dans les cas de crises graves.
Par Mohammed El Ayadi
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