Ce n’est peut-être pas nouveau mais, faut-il le souligner, l’art a toujours partie liée avec la politique. Il est certes évident que les artistes avant l’époque romantique étaient toujours les protégés des princes. Souvent, leurs rôles se limitaient à l’exécution des commandes. Ils magnifiaient les illustres personnages, interprétaient avec minutie leurs étoffes, leurs toilettes et s’attachaient surtout à cacher leurs défauts sur la peau et le visage. Mais, avec Jean Louis David, le néo-classique et son engagement dans la révolution française, beaucoup d’artistes se sont émancipés des services princiers. Ils passèrent même à la critique politique. Avec l’expressionisme entre les deux guerres, on allait assister à une grande production artistique politiquement engagée.
Au Maroc, la seule expression qui tenta la critique politique est la caricature. Mais malheureusement pour elle, le roi Hassan II avait déclaré publiquement qu’il n’aimait pas la caricature, tout comme la sociologie. Dans les années 1990, un jeune professeur d’art plastique à El Jadida écopa de cinq années de prison pour avoir osé caricaturer le roi défunt et distribuer son œuvre photocopiée sous le manteau.
Si la caricature n’est pas développée au Maroc, c’est en partie pour cette raison. Mais aujourd’hui, des œuvres paraissent de temps à autre sans souvent faire scandale. La semaine dernière, sur Facebook, une jeune dame, Sonia Ouajou, publie un dessin qui résume à lui seul tout le débat qui secoue la toile à propos de la jeune journaliste qui est, selon les PV de la police, incarcérée pour débauche et avortement illégal. Le dessin dit ce que l’écriture ne peut pas atteindre. Dès qu’il s’agit du sexe de la femme, tout se mobilise : la justice, la police, la religion, la médecine, le journalisme ; tout sauf la concernée, la femme… Même ceux qui croient la défendre s’immiscent dans son corps et oublient que ce dernier lui appartient exclusivement.
Mais il semble que cette curiosité déplacée et ce voyeurisme violent n’appartiennent pas qu’aux seuls Marocains.
Dernièrement en France, toute une littérature s’est élaborée sur la propriétaire du vagin qui apparaît dans le fameux tableau l’origine du monde. À quoi servirait à la critique, à l’histoire et à la pensée, de savoir quelle était la dame qui posait pour le peintre ? Et pourtant, cela a été présenté comme une grande découverte.
Des écrivains, des journalistes, des chroniqueurs, déploient un effort inimaginable pour informer un public curieux de dévoiler le mystère. Le sexe de la femme a toujours intrigué, ce lieu qui génère la vie donne l’impression qu’il recèle de grands secrets ; en tout cas, c’est ce que laisse entendre l’affairement autour de ce genre de phénomène.
« Longtemps confondue avec d’autres femmes, aujourd’hui tout correspond. La noirceur des cheveux de la danseuse correspond à la couleur de la pilosité de L’Origine du monde. Il s’agit de Constance Quéniaux, danseuse et l’une des maîtresses du diplomate turco-égyptien, Khalil-Bey, le commanditaire en 1866 du tableau »…