On mesurera l’effet de la pandémie par sa capacité à toucher, ronger, anesthésier et défaire différents organismes. Ce qui préoccupe les hommes politiques chez nous : ils s’occupent donc prioritairement de l’organisme économique. Toute la classe politique s’agite pour injecter du liquide (sang ou argent) dans l’organisme économique moribond. Il ne faut pas laisser se dessécher les veines de l’économie. Mais le plus triste c’est de voir les politiques se concentrer sur une seule partie de l’organisme. L’économie, en dépit de son importance pour une nation, ne représente qu’un organe de l’organisme entier ; la société.
Cette même approche économiste s’étend à d’autres secteurs et notamment celles de l’esprit. On ne considère que le volet économique de la presse, du livre, de la musique, du cinéma… et de l’art. Apporter une aide financière aux artistes est un geste louable en soi mais ceci ne concerne aucunement l’art, ni l’écriture, ni la réalisation… Si une aide a été allouée à la presse, elle ne règle en rien le problème de la lecture. De même pour l’art.
On n’indique personne, ceci est un choix politique, l’art est en train de devenir une chose du passé. Les salles de cinéma, les théâtres, les galeries, les musées qui souffraient déjà d’un désintérêt désolant sont en passe de devenir un loin souvenir de l’époque avant Corona. Ici, il ne s’agit pas de débloquer un budget, ni de s’embarrasser de la manière dont il faut le distribuer, mais il s’agit juste de fédérer du monde autour d’une grande réflexion sur le devenir de l’art et de la création dans ce pays.
Nous savons et nous comprenons que les arts et les pratiques artistiques sont appelées à muter, à se transformer et à devenir quelque chose dont on ne sait même pas le nom ; c’est une règle historique, celle du développement et de l’évolution, mais nous savons aussi que ceci n’adviendra qu’après un long mûrissement des pratiques et de leur ancrage dans la société. Il est difficile pour une société qui tend à s’émanciper des modèles importés de créer et innover si sa production artistique n’émane et n’émerge pas de sa propre réalité.
Or l’art au Maroc, surtout depuis l’indépendance, tend à s’autonomiser par rapport à certaines écoles mondiales, et ce n’est que dernièrement que nous avons perçu, quelque chose de particulier bourgeonner et insister pour venir à la vie. Le laisser s’effacer ainsi par un moment aussi dur que la pandémie, serait un désastre. Car l’art n’est pas uniquement la production de l’œuvre, il est aussi des métiers artistiques : il est commerce des produits de l’art, il est toile, bois, matières et matériaux, mais il est aussi médiation (presse, critique, présentation…), et enfin promotion et commercialisation. Ces secteurs sont en train de mourir à petit feu, dans le silence absolu. Serait-il possible de les assimiler à un simple commerce ou une vulgaire activité de production ? Ce serait vouer notre héritage spirituel et artistique naissant à la déperdition.
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