Les élections législatives de 2007 et leur taux d’abstention record ont prouvé à quel point l’issue d’un scrutin peut changer lorsque les conditions de transparence sont réunies. Précisément ce que les autorités ont toujours tenté d’éviter.
S’abstenir de voter, c’est aussi une façon de voter. La sociologie électorale fait néanmoins une distinction entre l’abstention active et l’abstention technique. La première est intentionnelle : l’électeur décide d’exprimer son indifférence au processus électoral ou son désaccord avec les candidatures proposées, voire, dans les cas extrêmes, son opposition au système lui-même. L’abstention technique, en revanche, ne dépend pas de la volonté de l’électeur. Elle est la conséquence d’erreurs d’inscription ou de listes incomplètes pour cause de non émission de la CIN. Parfois, l’électeur ne peut tout bonnement pas se rendre aux urnes pour des raisons de climat, de transport ou encore de travaux agricoles qui ne peuvent pas attendre.
Une arme politique
Faire de l’abstention une arme politique n’est pas nouveau au Maroc. Ce fut déjà le cas en 1962, lorsque l’opposition UNFP-UMT-PCM avait décidé de boycotter le premier référendum constitutionnel. Le mot « boycott » est plus fort que l’abstention active, car il sous-tend l’échec du processus électoral. Cependant, à maintes reprises dans l’histoire électorale marocaine, l’appel au boycott a été confondu avec la consigne de s’abstenir de voter, dans un contexte de manque de liberté, pour contrecarrer l’action du Makhzen et provoquer un vrai débat public. Par ailleurs, les chiffres réels du niveau d’abstention ont longtemps été cachés derrière un taux de participation manipulé et gonflé. C’est arrivé très souvent dans l’histoire du Maroc indépendant. Ainsi, jusqu’en 1996, l’USFP, l’Istiqlal et le PPS ont prôné le boycott des référendums constitutionnels sans que cela impacte l’issue du scrutin, étant donné la capacité du ministère de l’Intérieur à fabriquer ses résultats. Les élections du XXIe siècle sont marquées par une intervention moins frappante de l’administration, bien que plus sophistiquée. La pression sur les électeurs se réduit et le taux d’abstention augmente, parallèlement au discrédit de la vie politique. L’abstention commence alors à revêtir une dimension politique, même si aucune force politique ne peut se l’attribuer. Qui peut nier que l’abstention de deux électeurs sur trois, en 2007, avait une signification politique ?
Par Bernabé López García
Lire la suite de l’article dans Zamane N°13