Ils sont peu connus, comme si l’histoire les avait engloutis pour effacer leur passage sur terre. Qui sont-ils ? Des princes musulmans marocains qui ont abandonné leur foi pour devenir catholiques.
Certes, il n’y en a pas beaucoup, les renégats européens convertis à l’islam sont infiniment plus nombreux, mais la qualité de princes chérifiens devenus chrétiens a donné à l’époque où se sont produites ces conversions une incroyable résonnance. D’où les chroniques qui nous sont parvenues. Dans l’histoire récente du Maroc, il y a le cas Mohamed Benabdeljalil. Ce membre d’une famille patricienne de Fès, dont le frère allait devenir un éminent nationaliste de l’Istiqlal, est devenu catholique en 1928, jetant l’opprobre sur lui et une partie de sa famille, obligée de le renier. Après avoir rajouté Jean à son prénom Mohamed, puis rejoint l’ordre des franciscains, Jean Mohamed Benabdeljalil devint, jusqu’à sa mort en 1979, un pestiféré pour sa famille, sa ville et son pays d’origine. Mais il n’était pas prince et sa famille ne régnait pas sur le Maroc.
Aujourd’hui, grâce aux différentes archives européennes et aux travaux d’érudits sur la question, on peut élaborer une petite liste de hauts commis et de princes chérifiens marocains qui ont embrassé la foi du Christ. Elle n’est pas longue, sûrement incomplète et avec des zones d’ombre, mais elle est franchement stupéfiante si on se place de ce côté-ci de la Méditerranée. Il faut signaler que la plupart de ces conversions spectaculaires, si on exclut celles d’Al-Andalus dont les princes ne peuvent être considérés comme des Marocains, ont eu lieu entre le XVIème et le XVIIIème siècles.
Un premier cas, relevé par l’historienne française Lucette Valensi, évoque une bien étrange escapade. En 1539, trois Marocains se présentent aux portes de la forteresse assiégée d’Asilah, occupée par les Portugais. Deux travaillent sous les ordres du caïd de Larache, le troisième est au service du sultan. Ils veulent se faire chrétiens. Les Portugais, perplexes, accueillent les deux premiers et les envoient à Lisbonne, le troisième change d’avis et retourne sur ses pas. Leur sort à tous reste inconnu.
Par Adnan Sebti
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