En juillet 1956, Mohammed V se rend en visite officielle à Fès, Meknès et Nador. Le 11 du mois, sur le plateau d’ajdir qui domine khenifra, le souverain prononce un discours qui exalte la cohésion nationale en s’appuyant sur l’histoire du Maroc.
La première étape de la visite officielle de Mohammed V dans le centre du Maroc est réservée aux terres du plateau d’Ajdir, en pays Zaïan. Le souverain prononce à cette occasion un discours qui explicite quelques points douloureux de l’histoire récente et énonce les principes fondateurs du nouveau régime. Il rappelle d’abord la conjuration de 1953 : à l’appel du lobby colonial, les grands caïds et les collaborateurs zélés du protectorat avaient cautionné l’arrestation, la déportation et le remplacement de Mohammed V au prétexte qu’il était rebelle au colonialisme et qu’il s’insurgeait contre la répression sanglante menée contre son peuple en lutte. Après la nécessaire épuration au sein des cadres du pays, une éthique exemplaire doit désormais animer l’action des nouvelles élites. Mohammed V rappelle ensuite le tristement célèbre «dahir berbère», promulgué en 1930. Le résident général de l’époque, Lucien Saint, en totale contradiction avec le traité de Fès, avait arraché la signature du jeune sultan Mohammed Ben Youssef. Ce dahir voulait soustraire les Berbères à l’autorité du souverain sous le seul prétexte de la langue tout en les éloignant de l’arabe et de l’islam. Le collège berbère d’Azrou, qui avait été créé pour former une élite francophone recrutée parmi les plus brillants sujets berbérophones, avec l’espérance d’en faire des fidèles suppôts du protectorat, était devenu au contraire un foyer d’arabisation et de résistance. Plus largement, cette politique ethnique de la France aura des conséquences immédiates : l’appel à la résistance, l’idéalisation de la nation marocaine et l’incarnation de ces aspirations en la personne de Mohammed V. Le 17 octobre 2001, Mohammed VI prononce un autre «discours d’Ajdir» qui résonne comme un écho à celui de son grand-père, 45 ans plus tôt. Ce discours confirme, avec la création de l’Institut royal de la culture amazighe (Ircam), la reconnaissance de la composante amazighe dans le contexte pluriculturel marocain.
Jean-Luc Pierre
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