Lorsqu’il est appelé en 1916 par les gens du Tafilalet à prendre la tête de la résistance, Cheikh ‘Abidine Al-Kounti a déjà derrière lui plusieurs années de lutte acharnée au Soudan et au Sahara central. Retour sur le parcours d’un homme à l’avant-garde de la lutte contre l’occupation coloniale du Sahara…
‘Abidine Ould Sidi Mohammed Al-Kounti, de son vrai nom Zin Al-‘Abidine, est né en 1848 sous la tente, à Moussa Bongo, près de Tombouctou. Sa mère, Fatma Ment Ahmouadi, était elle aussi une kountiya des Ahl Cheikh Sidi Mokhtâr. Il avait cinq frères et demi-frères (de mère Tekna). Ce personnage fut une figure marquante, mais injustement oubliée, de la résistance à l’implantation coloniale dans le Sud marocain, le Sahel et le Sahara.
Entre réseaux confrériques et commerciaux
Cheikh ‘Abidine Al-Kounti est le descendant lointain de Cheikh Sidi Mokhtar Al-Kounti, fondateur de la confrérie maraboutique et guerrière des Kounta, dont on retrouve des fractions dans le Twât, le Tagant, l’Hodh, l’Azawad et le Sud marocain. Son mausolée situé à Bou-l-Anouar, 330 km au nord est de Tombouctou, figure au nombre des 14 édifices religieux qui furent détruits en 2012 par le groupe jihadiste Ansar Dine. L’ordre des Kounta reposait, certes, sur la doctrine ascétique de la Qadiriyya qui défendait des valeurs spirituelles et religieuses, mais les affaires de ce bas-monde ne lui étaient pas étrangères non plus et son implication dans le transport du sel et dans le commerce caravanier transsaharien était importante. Dans le Sud marocain, le réseau des Kounta s’appuyait sur une alliance d’intérêts avec deux autres tribus de commerçants, les Tadjakant et les Tekna (notamment avec les Ahl Bayruk), ainsi que sur les Ouled Delim qui veillaient sur la logistique et la sécurité de leurs caravanes. Les Kounta tenaient les marchés de la rive sud du Sahara, les Tekna possédaient le contrôle des terminus de l’Oued Noun. Ce réseau était en concurrence avec celui de la maison d’Iligh qui entretenait, quant à elle, de forts liens avec les Ouled Bou Sbaâ, ainsi qu’avec les Rguibat, quand ces derniers commencèrent leur ascension. L’ordre possédait des officines et des moqadmine partout. Il existe à Marrakech une zaouia Sidi Mokhtar Al-Kounti, dans le quartier El-Baroudine, à 200 mètres de la Mosquée Ben Youssef. Elle est aujourd’hui totalement délabrée et ses livres de prières ont été dispersés.
Par Jamal Bellakhdar
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