Chassés de la fonction publique, radiés des barreaux, regroupés dans les mellahs, réduits au silence. Sous Vichy, les juifs marocains sont peu à peu exclus de la vie nationale et soumis à de nombreuses discriminations. Ils vont pourtant échapper au pire grâce au rôle, très complexe, joué par le sultan Mohammed V.
1940, année fatidique pour le Maroc. Le 22 juin, les radios du royaume diffusent en boucle la triste nouvelle, «la France, embourbée dans une guerre perdue d’avance, a opté pour la signature d’une armistice avec l’Allemagne ». Les armées du IIIème Reich occupent déjà le pays et Pétain, investi des plein pouvoirs, impose la collaboration d’Etat avec le régime d’Adolf Hitler. L’aigle du nazisme, qui plane sur la patrie française, étendra t-il ses ailes jusqu’en Afrique du Nord ?
Lorsqu’il a vent de ces informations, le Sultan Mohammed Ben Youssef est accablé, lui qui avait farouchement défendu la « grandeur française » contre l’ignominie fasciste. De son côté, le Résident Charles Noguès ne sait quelle réaction adopter : continuer le combat depuis l’Afrique du Nord ou se rallier à Pétain ? Contre toute attente, il choisit la deuxième option. Au sein de la population, européenne et arabe, les sentiments sont partagés. Beaucoup sont effarés, d’autres soulagés. Personne ou presque n’avait envie d’envoyer plus d’hommes se faire tuer par l’ennemi nazi. Certains cherchent déjà un bouc émissaire : « Les juifs, qui s’enrichissent au cours de la guerre pendant que les autres se font tuer », écrit Georges Bensoussan, dans son ouvrage Juifs en pays arabes, le grand déracinement (2012). Ces derniers justement sont les seuls à craindre pour leurs vies. Ils redoutent le débarquement des tanks du Führer au Maroc. Il n’en sera rien. La communauté juive n’imagine pas encore que la menace émanera de la France,elle-même. Pour eux, il s’agit encore de la patrie des Droits de l’Homme et de la démocratie.
Par Nina Kozlowski
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