«Un épisode imaginaire de la vie d’Alexandre le Grand le met en scène lors de la capture d’un navire pirate. L’empereur de Macédoine demande alors au brigand pourquoi il osait «molester la mer». Celui-ci répondit : «Et toi, comment oses-tu molester le monde entier ? Comme je n’ai qu’un petit navire on m’appelle voleur et toi qui possèdes une vaste flotte on t’appelle Empereur !»
Le pirate est défini par le dictionnaire de l’Académie Française comme suit : «Écumeur de mer, celui qui, sans commission d’aucune puissance, court les mers pour voler, pour piller». Le terme «commission» est crucial car c’est bel et bien la commission délivrée par un gouvernement qui différencie le corsaire, mercenaire légal, du pirate, criminel et hors-la-loi. Si un pirate s’aventure en mer de sa propre initiative et pille pour son compte personnel, le corsaire, lui, travaille dans la légalité car il est porteur d’une délégation officielle. Dans la réalité, la ligne de démarcation entre pirate et corsaire est extrêmement tenue. À voir les dégâts et les souffrances qu’ils causaient, avec un arbitraire et une cruauté sans limites, il est impossible de privilégier l’un ou l’autre.
Question de vocabulaire ou de pouvoir
Le XVIème siècle fut le siècle de la piraterie atlantique par excellence. L’enjeu était le continent américain, nouvellement découvert, et ses richesses fabuleuses que les deux puissances maritimes de l’époque, l’Angleterre et l’Espagne, se pressaient d’évacuer vers le vieux continent. La rivalité à propos des colonies américaines allait de pair avec les hostilités navales entre les marines des deux pays. Afin de nuire aux intérêts de l’adversaire, il était parfois plus avantageux de lancer les pirates et les corsaires contre les navires de l’autre partie. Une autre forme de guerre, moins coûteuse, qui permet de brouiller les cartes, l’ennemi n’étant jamais en mesure de savoir avec certitude, ou de prouver, qui pouvait être derrière un acte de piraterie. À feuilleter la littérature maritime d’alors on se trouve en face d’une autre guerre, celle des mots et des définitions. Pour les Anglais, les marins et les corsaires espagnols n’étaient que des « pirates » et des hors-la-loi. Et inversement, le plus célèbre corsaire de Sa Majesté anglaise, Sir Francis Drake, n’était qu’un vilain pirate pour les Espagnols. Pour ce qui est des corsaires musulmans, même quand ils sont en possession de tous les passeports et les lettres de marque du monde entier, ils seront toujours traités de brigands et de pilleurs.
Par Mohamed El Mansour
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