Avec le déconfinement progessif, quelques hauts lieux du commerce casablancais retrouvent une activité presque normale. Parmi les plus attendus, Derb Ghallef est tout en haut de la liste. Depuis quelques jours, les Casablancais se ruent à nouveau dans les méandres de ce vaste marché à ciel ouvert, spécialisé dans la technologie numérique. Si les vidéos suscitent l’indignation à cause du manque flagrant de respect des mesures sanitaires, les commerçants sont quant à eux soulagés de pouvoir reprendre leurs activités. Comment cet espace devenu est-il devenu la « silicon valley du Maroc » ? L’histoire remonte au début du XXème siècle, époque où le lieu est en pleine campgagne, bien loin des remparts de l’ancienne médina. Avant la frénésie urbanistique enclenchée par les Français, le terrain est la propriété d’un certain Haj Bouazza, surnommé Ghallef Amine. Lorsqu’il meurt en 1905, son héritage est divisé entre six héritiers.
L’un d’eux, Mohammed Zemmouri, loue des lots de 36 mètres carré aux « indigènes » marocains. Tout au long des années 1910, de petites maisonnettes sont construites sans autorisation. Un fait accompli qui irrite les autorités tant et si bien que leur démolition est ordonnée en 1920, en prévision de l’érection d’un quartier européen. Toutefois, la Résidence est à nouveau dépassée par de nouvelles constructions informelles. Le site est finalement intégré au plan d’aménagement du quartier dit du Plateau au milieu des années 1920. En échange, la ville souhaite récupérer les titres de propriété de Derb Ghallef sans jamais vraiment y arriver. Jusqu’à la fin du Protectorat, le derb est de moins en moins un quartier d’habitation pour devenir un espace de commerce, le plus souvent illégal. En 1982, un immense incendie ravage ce qui est déjà l’un des plus grands marchés aux puces (« joutiya ») de la ville. Les commerces sont ainsi déménagés à quelques centaines de mètres du site initial. C’est actuellement l’emplacement de Derb Ghallef dont la réputation a dépassé les frontières de Casablanca et du Maroc.