À l’origine du PJD, parti victorieux aux dernières élections, il y a une histoire qui remonte à la fin des années 1960, celle d’un groupe de militants radicaux, appartenant au premier mouvement islamiste marocain : la Chabiba.
Casablanca, le 28 novem-bre 2011, au siège régional du Mouvement de l’Unité et de la Réforme (MUR). Abdelilah Benkirane, ému aux larmes, improvise un discours pour commenter la victoire de son parti et remercier les membres du MUR pour leur soutien et leur fidélité. Benkirane parle alors de «(s)es frères et (s)a famille» pour désigner les militants du MUR dont il a été le fondateur et le président. L’émotion du nouveau chef du gouvernement est sincère et réelle : l’assistance lui renvoie son propre itinéraire personnel, son histoire et ses combats. Il voit dans les militants, qui boivent ses paroles, sa vraie famille politique et le noyau dont tout est parti, du groupe clandestin et radical des années 1960-1970 au plus grand parti politique du pays. Les jeunes islamistes pestiférés et infréquentables, qui ont connu l’épreuve de l’emprisonnement et de l’exclusion, sont devenus maintenant des hommes d’Etat chargés de gérer le pays. Les voies du seigneur sont impénétrables et celles de la politique aussi.
Abdelilah Benkirane et le groupe de fidèles qui l’entourent, avec à leur tête Abdellah Baha, incarnent une longue et passionnante histoire de transformation politique et idéologique du mouvement islamiste marocain, entamée il y a plus de quarante ans. Un long chemin menant de l’extrémisme et de la violence politique à la légalité et à la reconnaissance des règles du jeu démocratique. Une histoire qui nous renseigne aussi sur les mutations politiques et intellectuelles du Maroc moderne.
Abdellah Tourabi
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