Amina Filali, jeune adolescente de Larache, s’est suicidée le 15 mars dernier, après avoir été obligée d’épouser son violeur. Une affaire qui pointe les défaillances du code pénal marocain, particulièrement son article 475.
Toujours soucieux de son image à l’extérieur, le Maroc a néanmoins encore une fois eu du mal à dissimuler ses aspects moyenâgeux. L’affaire Amina Filali est en effet venu ternir la réputation d’un pays soucieux des droits des femmes. L’exception marocaine en matière de droit de la femme n’existe pas, et ce sont nos citoyens qui s’en émeuvent les premiers. Le suicide d’une jeune mineure de Larache, forcée par son entourage et le juge local à épouser celui qui l’aurait violée à 15 ans, a éclairé l’opinion non seulement sur des pratiques sociales d’un autre âge mais, pire, sur un système judiciaire défaillant. L’Etat a été mis à l’index, et ce n’est pas Bassima Hakkaoui, la ministre de la Solidarité, de la Femme et de la Famille, qui va lui rendre son crédit. Même après sa mort, Amina Filali n’a pas obtenu une once de solidarité de la part de la ministre.
Des membres de la société civile réclament d’ailleurs sa démission, un comble pour la seule femme du gouvernement. Malgré la très médiatique réforme de la Moudawana au début des années 2000, les lacunes juridiques en la matière refont surface et les experts dépoussièrent le code pénal, devenu avec le temps une pièce d’antiquité. Le désormais tristement célèbre article 475 du code pénal dispose que « lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée ». En somme, le violeur trouve refuge en étant condamné au mariage plutôt qu’à la prison. Dans sa tradition de copier les textes de loi français, l’Etat marocain a peut-être omis de vérifier la date de celui de l’Hexagone qui l’a inspiré, qui remonte à 1810. Ce dernier dispose : « Dans le cas où le ravisseur aurait épousé la fille qu’il a enlevée, il ne pourra être poursuivi que sur la plainte des personnes qui, d’après le Code Napoléon, ont le droit de demander la nullité du mariage, ni condamné qu’après que la nullité du mariage aura été prononcée ». Seulement la France a abrogé son article en 1945, sans que les juristes responsables du code marocain ne s’en rendent compte. Ou peut-être ont-ils décidé de maintenir volontairement le royaume dans les ténèbres du passé ?! Le tollé général provoqué par l’affaire Amina Filali a néanmoins permis de mettre en lumière le grave déficit d’égalité que subissent les Marocaines. Et c’est une fois de plus la société civile qui s’en charge, en attendant de trouver les autorités politiques capables d’un soupçon de bon sens, ou tout simplement d’humanisme.