Le Maroc est doté d’une nouvelle constitution. Au-delà des positions politiques et des conditions du déroulement de la campagne référendaire, elle est désormais la loi suprême du pays. Comme tout texte de loi, elle sera l’objet d’interprétations et sa mise en application, loin d’être automatique, passera par des luttes d’intérêt et des querelles de sens. Zamane, de par son positionnement entre « mémoire collective » et « mémoire historique », opte pour une lecture relativement positive de la constitution.
Nous faisons donc nôtres les valeurs modernistes contenues dans cette nouvelle norme suprême : La suprématie du lien de droit sur toute autre référence sociale ou culturelle signifie également que les appels à l’égalité, à l’équité, n’ont aucun sens si la loi ne s’applique pas à tous et si l’impunité n’est pas abolie définitivement.
La séparation des pouvoirs doit garantir un équilibre des pouvoirs et prévenir les dérapages et autres abus. Elle doit notamment permettre de libérer le champ médiatique des différentes ingérences et instrumentalisations préjudiciables à la profession journalistique, mais également à toute la nation.
La reddition des comptes est un concept qui peuple les discours tout en étant, jusqu’à présent, quasiment absent de la réalité des comportements. Lier la responsabilité à la reddition des comptes est une belle perspective de responsabilité collective, conditionnée, bien entendu, par notre capacité à joindre l’acte à la parole, à passer du simple énoncé constitutionnel à un comportement effectivement civil et citoyen.
La suprématie des lois internationales sur les lois nationales est certes édulcorée dans le nouveau texte constitutionnel, puisque conditionnée par un certain nombre de préalables. Mais son évocation est importante. Elle indique le chemin qui mène à une insertion positive dans le monde où nous vivons. Se référer au droit international, c’est se déclarer partie prenante de l’humanité et de l’universel. Ce parti pris ne porte atteinte ni à notre identité, ni à notre histoire. Toute civilisation digne de ce nom aspire forcément à l’universel et ne s’inscrit dans l’histoire que par cette dimension justement universelle.
La séparation du champ religieux et du champ politique est en marche. Et ce, malgré le faux procès fait par quelques censeurs de la liberté de conscience. Nous aurions souhaité une vitesse de croisière plus soutenue, mais l’histoire nous a enseigné que le temps des mentalités n’est pas celui du politique.
L’identité marocaine est officiellement plurielle et c’est sans doute la plus grande innovation de la constitution. Affirmer que l’identité n’est pas une donnée immuable mais un produit de la société et de son histoire, c’est accepter son passé sans complexes. C’est aussi inscrire son avenir dans une évolution ouverte sur plusieurs possibles. Les dimensions amazighes, africaines, hébraïques, arabes, islamiques, méditerranéennes, pour ne pas dire européennes et chrétiennes… sont appelées à être complémentaires, mieux, interdépendantes. La belle notion d’« unité dans la diversité » apparue dans le texte constitutionnel est celle qu’a toujours défendue Zamane. Entre mémoire et Histoire, il n’y a pour nous qu’interdépendance, mémoires interagissantes et histoire plurielle. C’est dans le foisonnement de notre histoire, son cours sinueux et ses structures complexes que Zamane œuvre, avec l’éclairage précieux de la communauté des historiens, à rendre compte de notre passé, lointain et proche. Ce faisant, nous participons à notre manière à l’éclosion d’une véritable citoyenneté marocaine.
Par Youssef Chmirou, directeur de la publication