Figure de proue de la jeunesse militante des années de plomb, Fatna El Bouih n’est encore qu’une étudiante quand elle est jetée en prison et torturée. Des sévices subis, elle a gardé la volonté de se battre encore et toujours contre les injustices.
Une femme qui porte haut la dignité de l’homme. Une figure incontournable du combat pour les droits humains. Une femme avec un grand F, bien droite dans ses bottes, avec un cœur à gauche qui dégage une générosité si intense qu’elle irrigue tous les espaces atteints d’exclusion, de précarité, d’injustice, de violences arbitraires et illégitimes. Cette femme, c’est Fatna El Bouih, une des figures de proue de la jeunesse des «années de plomb». Elle est la représentante d’une génération spéciale, celle que certains chercheurs appellent «la jeunesse scolarisée du Maroc indépendant». Cette génération, née durant les dernières années du protectorat, atteint l’âge d’être scolarisée aux débuts du Maroc indépendant. La question de l’éducation et de l’enseignement sont alors au centre du combat pour l’indépendance. Aussi, quand le Maroc recouvre sa souveraineté, les portes de l’école publique s’ouvrent à «tout le monde».
Et dans l’euphorie générale du moment, ce «tout le monde» englobe même les filles, même en plein milieu rural. Ceci bien entendu en termes de droit, surtout après l’avènement du gouvernement de Moulay Abdellah Ibrahim (1958-1960). Nous parlons de droit parce que les mentalités n’évoluent pas à la même vitesse que les développements politiques. La femme, en majorité, reste assignée à l’espace privé de la famille. Sa scolarisation n’est que souhaitée, et quand elle devient effective, elle ne va souvent pas plus loin que l’école primaire. Les militantes nationalistes ont vaincu les obstacles politiques en arrachant l’accès libre des filles à tous les niveaux de l’enseignement, mais les tabous de la société et les blocages des mentalités ligotent encore les familles.
Fatna El Bouih, née à Benhmed, un village de la grande Chaouïa, au sein d’une famille dont le père est instituteur, a failli rester à la maison et reproduire le modèle de sa mère illettrée. Mais elle n’accepte pas que son frère aille à l’école et pas elle. Son opiniâtreté aura raison des hésitations de son père. C’est là son premier combat, et elle le gagne. Ses brillants résultats scolaires lui valent non seulement la fierté de son père, mais aussi celle de son école et de son village. Fatna est donc choisie pour aller poursuivre ses études secondaires «en ville». Il ne s’agit pas d’une petite ville, mais de Casablanca, la plus grande de toutes. C’est ainsi que Fatna atterrit au sein du Lycée Chaouki, réservé aux jeunes filles, où elle est interne. Son destin est alors en construction.
Par Mostafa Bouaziz
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