C’est un personnage singulier, un véritable OVNI au sein du paysage artistique marocain. Éclipsé par le succès fulgurant et inattendu de sa mère, Chaïbia, on oublie souvent qu’il a également été peintre avant sa génitrice, fréquentant les plus grands et signant des tableaux de référence…
Quel type d’enfance avez-vous eue ?
Quand j’ai perdu mon père, j’avais un an et demi. Ma mère en avait 15 quand elle s’est mariée à un homme qui en avait 70, déjà marié à d’autres femmes mais qui n’a jamais eu de garçon. Je ne l’ai jamais connu, je n’ai même pas de photo de lui, vu ce n’était pas évident d’en avoir à l’époque. Pour pouvoir vivre, Chaïbia devait travailler chez des Européens. Ma vie était très solitaire, j’étais un peu esseulé, je restais seul dans mon coin. Je me rappelle même que, quand j’étais enfant, pour jouer aux billes, je jouais tout seul. À l’âge de 10-12 ans, j’ai grandi dans le quartier Gauthier chez des gens pour qui ma mère travaillait. J’étais toujours le partenaire de moi-même. J’ai grandi avec ma mère dans une extrême pauvreté. C’était très difficile, la vie pour ma mère, en tant que jeune femme avec un enfant…
Vous avez eu un brevet en ferronnerie. Comment cela s’est passé ?
Oui, j’étais dans une école technique. J’étais le meilleur ferronnier du Maroc ! (Rires). Ce qui est assez drôle, c’est que j’avais fait une demande à l’Office des chemins de fer pour y travailler. Je suis allé chez eux, on m’a donné un examen à faire en 12 heures. J’ai pu finir l’examen en même pas 10 heures ! À l’époque, les Français en charge de l’examen avaient été surpris. Ils ont dit : « Ce jeune Marocain, il est né avec un marteau à la main ». Ils m’ont alors donné un test à faire, ce que je n’avais pas apprécié. J’ai pris alors mon vélo et je suis parti chez moi en pleurs. De cette période, je garde une table et une porte de salon que j’avais réalisées dans le cadre des projets de l’école. Elles ont été exposées à la Foire de Casablanca.
Propos recueillis par Younes Messoudi
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°110 (Janvier 2020)