Connue, notamment, pour avoir produit le célèbre «Transes» (1981) qui mettait en lumière Nass El Ghiwane, Izza Génini a fait du documentaire une passion, basée sur une quête de soi, des origines…
Vous êtes née en 1942 à Casablanca, quel monde avez-vous trouvé ?
C’était un monde judéo-berbère marocain en plein Protectorat. Tout un programme, qui en dit long sur mes origines. Je suis la benjamine d’une fratrie de neuf enfants, huit filles et un garçon. Le berceau de ma famille se situe dans le village de Oulad Moumen, dans les environs de Marrakech. C’est là que mes parents se sont mariés dans les années 1910 et qu’ils ont eu leurs trois premiers enfants. À cette époque, ce village, bâti en terre au milieu des oliveraies, a servi d’abri à quelques familles juives qui ont dû fuir les troubles survenus dans notre localité d’origine, qui s’appelle Ksar Rhamna, toujours dans la région de Marrakech. À Oulad Moumen, mes parents vivaient sous la protection de la famille Delouya, jusqu’à ce qu’ils migrent de ce bourg céréalier vers El Gara, dans la région de Berrechid, qui s’appelait alors Boucheron. Ce choix était dicté par la profession de mon père, négociant en céréales.
Comment votre famille se retrouve-t-elle à Casablanca au début des années 1940 ?
Suite aux pressions des filles, surtout l’aînée. Mes parents, issus d’un milieu rural, ne parlaient que la darija. Mes sœurs ressentaient le besoin de s’émanciper. C’est ainsi que la famille s’est installée à Casablanca, rue de Lusitania, près de la place Verdun, au centre de la communauté juive de la ville. C’est là que je suis née. Mon enfance était tout de même partagée entre Casablanca et la région de Boucheron, où mon père faisait encore commerce. Etant la petite dernière, mon père voulait faire ses voyages en ma compagnie pour soulager un peu ma mère. Je me souviens que nous nous rendions surtout au souk du jeudi, «souk lakhmiss». Ce sont les quelques jours précédant le marché qui m’ont le plus marquée lors de ces voyages. Comme de coutume, de nombreuses festivités étaient organisées avant la tenue du souk. C’est à ce moment que j’assistais aux fantasias et aux spectacles de chikhate. J’en garde des souvenirs éblouis et cette période m’a certainement forgée d’une manière inconsciente. Mon père avait ses entrées partout et entretenait des liens d’amitié puissants, surtout avec le caïd local, qui s’appelait Bouchaïb, dont je me souviens encore très bien. Je me suis ainsi abondamment nourrie de cette atmosphère du terroir, qui m’a enracinée dans le patrimoine marocain.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N° 78