Rien, strictement rien ne donne à se rappeler aujourd’hui ces Marocains qui ont donné leurs vies pour le Tafilalet, si ce ne sont quelques bribes de témoignages oraux sur la bataille de «Rrjel». Pourtant, la région a été le centre d’un jeu politique entre les proconsuls de Rabat et d’Alger, et le théâtre de combats acharnés entre résistants et forces de l’occupation.
Nous sommes en 1916. Fraîchement installé comme résident général au Maroc, Lyautey, le marocain, enterre Lyautey l’algérien. Il oublie, alors qu’il était chef de la sous-division de Aïn Sefra et plus tard chef de la région d’Oran, qu’il a été l’un des artisans de la politique dite de « tache d’huile », grignotant des territoires liés par allégeance au sultan : Béchar qu’il annexe et baptise Colomb ; Oujda et Boudnib qu’il occupe en 1907 ; puis Ras al Aïn, baptisé Berguent. Résident, il demande au ministère de la guerre à ce que le territoire de Aïn Sefra soit rattaché au Tafilalet. Mais, il reçoit une fin de non-recevoir du gouverneur général de l’Algérie, Charles Lutaud, par un télégramme envoyé par celui-ci à Paris, le 3 mars 1916. Lyautey est obnubilé par l’idée d’ouvrir ce qui est appelé «Triq sultan» entre le Tafilalet et Meknès, et qui atteste des relations séculaires depuis Moulay Ismaïl, désormais inversées au profit de l’Oranais via Béchar. Le gouverneur général d’Alger rappelle à son homologue de Rabat que le courant commercial, créé entre l’Algérie et le Tafilalet, est le résultat de persévérants efforts et les interrompre ou les dévier porterait préjudice aux commerçants de l’Oranie et de Colomb Béchar. Chacun des proconsuls se comporte en chef d’État jaloux de ses prérogatives et de son territoire.
Par Hassan Aourid
Lire la suite de l’article dans Zamane N° 49