« De Tanger à Lagouira ». Cette expression utilisée pour consacrer la verticalité et l’intégrité du territoire marocain est-elle réellement viable ? Pas vraiment puisque Lagouira, coincée entre la Mauritanie et le grand sud marocain, demeure aujourd’hui la prisonnière des sables et de l’histoire. Seule au monde, quoi !
«Pour moi, l’idée était simple : traverser à pied le Maroc de Lagouira à Tanger. Mais la réalité était bien plus complexe ». En 2011, Anass Yakin, un jeune marocain adepte de l’aventure se prépare à un long périple pédestre à travers son pays. Il souhaite rallier Tanger, pointe nord du royaume, depuis Lagouira à l’extrême sud. Mais les choses ne se déroulent pas comme prévu : « En me renseignant, j’ai compris que pour rejoindre Lagouira, il fallait que je passe par la Mauritanie ». Étonnante découverte faite par Anass pour qui cette ville est sans conteste marocaine. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là : « Après avoir formulé ma demande aux autorités, ces dernières ont décidé d’ouvrir une enquête à mon encontre. J’ai été soumis à des interrogatoires. Finalement, je n’ai pu lancer mon aventure qu’un an plus tard, en 2012 ». Si Anass Yakin décide de lancer son expédition ailleurs qu’à Lagouira, c’est parce que cette ville marocaine possède un statut unique dans le royaume. Elle est en effet la seule commune urbaine où l’administration siège ailleurs que dans la ville, à savoir à Dakhla, 600 kilomètres plus au nord. La raison de cette singularité est simple : aucun habitant marocain de Lagouira n’est recensé dans cette cité devenue fantôme. Dans le document des résultats définitifs du recensement 2014, publié par le HCP (Haut commissariat au plan), la case correspondant à Lagouira ne contient aucun chiffre. Questionné sur cette « anomalie », Ahmed Lahlimi Alami, patron du HCP, nous explique : « Le recensement s’est déroulé selon les normes et les critères internationaux, c’est-à-dire selon un référent géographique. Si des chiffres ne sont pas fournis pour certaines communes, c’est qu’au moment du recensement, il n’y avait personne ».
Par Sami Lakmahri
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