Un ambassadeur marocain qui s’ennuie à Versailles, un explorateur français effrayé par Fès. Le beau et bel et bien subjectif. C’est à travers des récits de voyageurs, ici et ailleurs, que l’on se rend compte que la beauté est un trait culturel bien spécifique. Si elle tend à s’uniformiser aujourd’hui, elle était, jadis, un puissant marqueur des différences culturelles entre les uns et les autres…
Les gouts et les couleurs ne se discutent pas, dit l’adage français. Les voyageurs ne résistent pourtant pas à la tentation. D’autant plus qu’à une autre époque, explorer d’autres contrées est une activité rare et les comptes-rendus très attendus. Ainsi, au Maroc, un genre littéraire appelé « arrihla » (littéralement le voyage) se développe en même temps que l’exploration, le commerce extérieur et les activités diplomatiques. Il est d’usage pour les aventuriers partis du Maroc de narrer leur périple dont le récit est souvent imposé par les plus hautes autorités du pouvoir. Outre un rapport sur leur mission principale, il leur est demandé de raconter le monde extérieur. Leur avis sur le faste des cours européennes et sur l’aspect physique des « nassara » (les Européens) est particulièrement scruté. Aujourd’hui, le lecteur de ces récits de voyage peut être interloqué par les gouts exprimés dans ces textes. Notre envoyé d’un autre temps ne ressemble certainement pas au touriste que vous êtes, mais ses descriptions nous livrent de précieuses informations sur le rapport au beau qu’entretenaient nos ancêtres. De même, l’inverse est tout aussi vrai. Les explorateurs étrangers qui se sont hasardés à visiter l’empire chérifien n’ont pas manqué de rapporter les détails de leurs voyages.
Lire la suite de l’article dans Zamane N°103 (Juin 2019)