L’expression n’est pas mienne mais revient à Thierry Montribal qui, lors d’une conférence à l’Académie du Royaume, le 18 septembre, a tenu l’assistance, nombreuse, en haleine sur un ouragan de l’est qui risque de tout chambouler sur l’ordre du monde qui a pour nom la Chine.
Le cap est mis sur l’année 2049. La Chine s’est fixée cette date qui coïncide avec le centenaire de la prise du pouvoir par le Parti Communiste pour être la première puissance économique mondiale. Le reste suivra. Ce sera fini de l’imperium de l’Occident. L’Amérique qui était à la tête du peloton, et qui a imposé sa vison unilatéraliste et holiste, se recroqueville sur elle-même et renoue avec la tradition isolationniste. Trump n’est pas que Trump, mais représente une tendance lourde ou mainstream. Il dissipe l’inquiétude des buddies des cities ou des rednecks du Middle West. Il ne faut pas s’étonner surtout qu’il soit réélu.
Le locataire de la maison Blanche mènera le monde à la cowboy, mais pas sûr à bon port. Seule l’Europe pourrait incarner la relève ou l’alternative. Macron n’est pas que Macron, mais un espoir. Pas pour la France seulement, mais pour l’Europe.
Reste la Russie qu’il faut arracher des rets des Chinois. La Sibérie grande comme un continent est peuplée de 30 millions de personnes, de quoi provoquer la convoitise de la Chine surpeuplée.
Or le terrain sur lequel se joue cette partie d’échec est l’Afrique. Selon le vieux procédé colonial, la Chine pourvoit des prêts aux pays africains, pas pour les beaux yeux de ses dirigeants mais pour avoir des moyens de pression sur les Africains. Un peu comme ce que les Européens avaient fait avec la Sublime Porte, le khédive et l’empire chérifien. Tel est pris qui croyait prendre.
Puis il y a la diaspora chinoise à laquelle on ne pense pas souvent, et qui dispose d’une force de frappe financière redoutable. Un jour, peut-être, on écrira que ce n’est pas tant Xiang Ping qui était derrière le grand bond en avant, le vrai, mais la diaspora chinoise.
Et nous dans tout cela ? Parlez-moi de moi, il n’y a que cela qui m’intéresse, comme dirait une vieille chanson française. E. Montribal nous annonce qu’on ne sera plus que goumiers. On va peut-être avoir une petite place dans le char de l’histoire, dans le sillage de l’Europe. Consentants bien sûr.
Le clash de l’avenir n’épargnera pas l’Afrique du Nord, car elle est un enjeu planétaire. Nous savons qu’il y a des dynamiques profondes dans cette partie du monde, avec l’arrivée d’une nouvelle jeunesse sur l’arène qu’aucun discours n’arrive à canaliser, ni le discours du nationalisme qui a perdu son feuillage, ni celui de l’islamisme, rabougri, ni les tours de passe-passe de la com’. Ni, bien sûr, les recettes des technocrates pour s’insérer dans la division internationale. Le discours technocratique et les politiques qui s’en suivirent auront raison des fleurons des entreprises publiques et de secteurs entiers…
Reste l’islamisme radical qui continue de recruter et inquiéter. C’est tout de même rafraichissant d’apprendre qu’on ne sera plus goumiers mais promis à être majordomes entre l’Europe et l’Afrique. Si on est gentils entre nous, si on cesse de nous chamailler, on pourra, comme il y a moins d’un siècle, s’égosiller « Maréchal nous voilà », en changeant Maréchal par Europe.
Si bien sûr l’Europe désapprend à compter, pour renouer avec ses valeurs fondatrices, il sera possible de rêver en rose. Avec l’Europe des Lumières, pas celle de Bernard Mendeville et sa recette sur les petits vices privés qui font les vertus publiques.
On sait désormais que les petits vices privés ne font pas les vertus publiques, que cette recette qui a fait de l’égoïsme sa trouvaille est à l’origine du bouleversements des hiérarchies ou switching wealth, qui coûte cher à l’Occident. Au commencement, les valeurs, ou le verbe. Cela, l’Occident semble l’avoir oublié.