Au fil des siècles, les oulémas ont entretenu des rapports ambivalents avec le pouvoir politique. Retour sur une histoire qui varie entre révolte et soumission.
Une idée largement répandue consiste à considérer le Maroc comme un pays de confréries et de marabouts. Une nation façonnée par les interactions séculaires entre le pouvoir des sultans et celui des zaouias, entre les centres urbains dominés par le Makhzen et les zones rurales soumises, au moins sur le plan spirituel, à l’autorité d’hommes de sainteté et de miracles. Dans ce récit, les oulémas sont marginalisés et occultés. Pourtant, leur rôle est déterminant et important. Tantôt faiseurs et défaiseurs de sultans, tantôt simples auxiliaires du pouvoir en place, les oulémas ont oscillé dans l’histoire du Maroc entre opposition et soumission au Makhzen. Dans certains moments, ils sont le symbole d’une «société civile», courageuse et indépendante, capable de faire face au despotisme et à l’injustice. Les exemples de cette posture ne manquent pas : le fqih Guessous qui interpelle d’une manière virulente, et au péril de sa vie, le puissant sultan Moulay Ismaïl, ou Mohammed Kettani qui refuse une allégeance inconditionnelle à Moulay Abdelhafid, sans oublier d’autres oulémas intègres et audacieux, comme Al Youssi et Belarbi Alaoui. Mais ce corps d’hommes de religion et de savoir se transforme parfois en fournisseur de légitimité à un pouvoir qui impose ses désirs et sa volonté par la force et la violence des armes. Cette position où se placent certains oulémas est édictée souvent par la peur du désordre, de la vacance d’une autorité politique forte qui empêche l’installation d’une situation de «Fitna», hantise de la théologie sunnite. Dans ce dossier, Zamane revient sur les rapports séculaires et ambivalents entre oulémas et sultans, entre pouvoir politique et autorité religieuse, qui éclairent des pans entiers de notre histoire.
Par la rédaction
Lire la suite de l’article dans Zamane N° 39