Le Maroc ne fut pas un havre de paix durant la Seconde Guerre mondiale. Il a, lui aussi, subi les effets du nazisme et de la collaboration de la France avec Hitler. Jusqu’à quel point ?
En tant que propagandistes à la solde des nazis, et malgré leur vocation panislamiste,Al Husseini et consorts avaient l’Orient arabe comme principal objectif. Etant eux-mêmes originaires de cette région, les réseaux d’influence qu’ils y avaient constitués leur permettaient d’intervenir là-bas plus facilement. De plus, la question de la Palestine y était centrale. Leur ascendant fut pourtant loin d’être négligeable en Afrique du Nord, au Maroc en particulier. Chakib Arslan, surtout, a beaucoup compté pour les nationalistes marocains. Bien en cour à Berlin, il leur servit d’introducteur auprès des Allemands. Mais il vaut la peine de s’interroger plus largement sur l’accueil que les élites politiques marocaines et la société dans son ensemble réservèrent à l’Allemagne nazie et à son idéologie. Dans un article consacré à la question, l’historien Jamaâ Baïda rappelle que, dans les années 1930, l’Allemagne jouissait au Maroc d’un capital de sympathie, et ce depuis la visite de l’Empereur Guillaume II à Tanger, le 31 mars 1905. Soucieux de prévenir la mainmise de la France sur le royaume, celui-ci avait en effet assuré le sultan Abdelaziz de son appui et s’était déclaré en faveur d’un Maroc libre, « ouvert à la concurrence pacifique de toutes les nations, sans monopole, ni exclusion ». Les Marocains n’avaient pas oublié non plus la bienveillance manifestée par l’Allemagne – qui, elle, n’était pas suspecte à leurs yeux d’ambitions coloniales – envers deux mouvements de résistance armée, dirigés l’un par le cheikh Ahmed El Hiba au Sahara (1912), et l’autre par Abdelkrim El Khattabi dans le Rif (1921), contre les Français et les Espagnols. On comprend donc que les nationalistes marocains se soient tournés vers l’Allemagne, dans l’espoir d’y trouver un soutien à leur lutte contre le Protectorat. Encore faut-il nuancer. Car en zone Nord, très liés à Chakib Arslan et pétris de culture orientale acquise au Caire ou à Naplouse, beaucoup comptaient plutôt sur l’appui de Franco et se montraient sensibles à l’appel de l’Axe. Tandis qu’en zone Sud, formés pour la plupart à Paris, ils cherchaient à maintenir le dialogue avec une gauche française pourtant bien tiède à leur égard, et regardaient plutôt vers les démocraties occidentales. Quelques uns, il est vrai, firent le voyage à Berlin. Mais qu’y ont-ils gagné? Jusqu’à quel point ont-il été réceptifs à l’idéologie nazie ? Se sont-ils, comme d’autres au Moyen-Orient, compromis avec le régime hitlérien ? Et quel fut le jeu de la France dans cette histoire ?
Par la rédaction
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