En 1324, Mansa Moussa devient l’homme politique le plus célèbre de son temps, en traversant le désert jusqu’à Alexandrie pour performer le Hajj. Selon la légende, sa suite comprend 60 000 hommes et 12 000 esclaves. Des hérauts vêtus de soie et porteurs de bâtons d’or s’occupent des chevaux et des sacs. Certains récits attestent de 80 dromadaires portant entre 25 et 150 kg de poudre d’or chacun. Mansa Moussa fait dépense en sadaqa à chaque étape et, tous les vendredis, il édifie une mosquée dans la localité qu’il traverse ! Al Umari nous rapporte un épisode fondamental, sa rencontre avec le leader politique arabo-musulman le plus puissant de son temps, le sultan mamlouk du Caire, Al Malik Al Nâsir :
«Dès le début de mon séjour en Egypte, j’entendis parler de la visite de ce Sultan Moussa pour le pèlerinage et je trouvai les Cairotes avides de s’entendre conter les prodigieuses dépenses des Soudanais. J’interrogeai l’Emir Abou Untel et il me rapporta l’opulence, les vertus viriles et la piété de ce sultan : «Lorsque je vins à sa rencontre, puisque c’était pour le compte du puissant sultan Al Malik Al Nâsir, il me rendit des honneurs extrêmes et me traita avec la plus grande courtoisie. Il ne s’adressa à moi, toutefois, que grâce à un interprète, malgré sa parfaite capacité à parler l’arabe. Puis il transmit au trésor royal de nombreuses charges d’or brut et d’autres objets de valeur. J’essayai de le persuader de monter à la Citadelle pour rencontrer le Sultan, mais il refusa obstinément en disant : « Je suis venu pour le pèlerinage et rien d’autre. […] » Mais je compris rapidement que son Public y répugnait, car il aurait été obligé de baiser le sol et la main du Sultan. […] Mais le protocole du Sultan exigeait que je le fis entrer en salle d’audience royale, j’ai donc continué [à le flatter] jusqu’à ce qu’il y consente.
Quand nous sommes arrivés en présence du Sultan, je lui dis : « Allez baiser le sol ! » Mais il refusa catégoriquement en disant : « Comment cela peut-il être ? » Puis un homme intelligent de sa suite lui murmura quelque chose que je nepouvais comprendre et il me déclara : « Je prête obéissance à Dieu qui m’a créé ! » Alors seulement, il se prosterna et s’avança vers le Sultan. Le Sultan se leva pour le saluer et le fit s’asseoir à ses côtés. Ils causèrent longtemps, finalement le Sultan Moussa sortit. Le Sultan lui fit parvenir plusieurs toilettes honorifiques pour lui, ses courtisans et tous ceux qui étaient venus avec lui, et fit seller et brider ses chevaux et ceux de ses premiers courtisans. Cet homme inonda Le Caire avec ses bienfaits. Il ne laissa nul Emir de Cour ni officier royal sans le don d’une charge d’or. Les Cairotes réalisèrent avec lui des bénéfices incommensurables et sa suite, en achetant, vendant, donnant, prenant… Ils échangèrent tant d’or que sa valeur s’effondra et fut la cause de la chute drastique de son cours».
L’or avait un cours élevé en Egypte jusqu’à leur arrivée cette année là (1324). Le mithqal [4,2 gr d’or] ne passait jamais en dessous de 25 dirhams [55 gr d’argent] et était généralement supérieur. Cependant, à partir de ce moment, sa valeur chuta et son cours se déprécia et est resté tel jusqu’à maintenant. Le mithqal ne dépasse plus 22 dirhams [48 gr d’argent] voire moins ! Voilà l’Etat des affaires depuis douze ans environ, et encore aujourd’hui, en raison de la grande quantité d’or qu’ils apportèrent en Égypte et y dépensèrent ! ».
Par Simon Pierre
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