C’est du Soudan qu’est venue la dynastie qui a bouleversé le Maghreb et l’Espagne, posé les fondements des institutions marocaines et qui a même donné son nom au pays.
Entre 1046 et 1052, au cœur des déserts et dans le confetti d’oasis mauritaniennes (massifs du Tagant et de l’Adrar, dans le nord mauritanien), les tribus berbères se fédèrent subitement, à l’instigation d’un homme saint : Abdallah Ibn Yassin Al Jazouli. C’est Yahya Ibn Omar, le leader militaire des Sanhaja, principale confédération des berbères du Grand Désert, qui serait allé trouver Abdallah à Ouarjlan (Ouargla, dans l’est algérien). Il cherchait un guide spirituel pour convertir ses hommes aux préceptes de l’islam et, pour cela, avait consulté un savant de Fès, installé à Qairouan, qui lui avait naturellement conseillé de se tourner vers Ibn Yassin. Ce dernier instaure le droit malékite dans le pays Sanhaja, mais aussi une discipline de fer, à quoi il ajoute quelques étrangetés dogmatiques et pénales (voir encadré). En quelques années, Yahya et Abdallah se rendent maîtres des confédérations rivales, Juddala-Jazoula et Lamta-Lamtouna, et fondent dans l’Adrar leur nouvelle capitale, le ribat d’Azouggi, en 1055. Ils conquièrent la vallée du Draâ dans l’Anti-Atlas, puis mènent le siège devant Sijilmassa (à 40 km environ de l’actuelle Merzouga). Yahya meurt finalement dans l’Adrar deux ans plus tard, en combattant les Juddala rebelles. C’est au Maroc actuel, sur les hauteurs de Zagora, que son frère Abou Bakr lui succède, depuis son nouveau ribat.
Une conquête au nom de la foi
Ibn Yassin, lui, est resté dans le Sahel. Il mène seul une armée contre les Sanhaja d’Aoudaghost, ancienne capitale berbère à 200 km de Ghana, comptoir commercial et tête de proue de l’islam maghrebin. Au passage, il rallie les Sénégalais de l’Etat du Takrour, des noirs musulmans, maîtres des routes atlantiques du Soudan. La prise d’Aoudaghost conduit à un pillage et un massacre terrible. Dans l’esprit du leader, sa destruction est la conséquence de son apostasie, lorsqu’elle s’est faite vassale du roi païen de Ghana. Le pieux marabout tourne alors ses armées vers le nord, il fond sur les oasis du Noun et du Massa, puis soumet le pays Masmouda (Souss et actuelle région d’Essaouira). En 1058, Ibn Yassin est tué en pleine bataille, alors qu’il tente d’écraser la confédération hérétique des Berghwata (Tamesna).
Par Simon Pierre
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