Bien avant Molière et ses « femmes savantes », le Maroc avait des érudites qui ont marqué l’Histoire… mais pas les historiens.
Dans l’éternelle guerre que se livrent les deux sexes, la bataille de l’écriture de l’Histoire semble être gagnée par les hommes. Rares sont les ouvrages de référence dédiés aux nombreuses femmes de sciences, pourtant fer de lance de la culture marocaine. Etonnamment, la société n’a pas toujours porté un regard inquisiteur à l’égard des femmes dotées de savoir et de connaissances. Des femmes qui consacrent leur vie à la création et à la transmission d’une précieuse érudition, en mettant leurs compétences au service d’une communauté à l’époque consciente de l’apport des individus, hommes et femmes confondus.
Sciences ou sorcellerie
Bien avant l’arrivée des Arabes, les femmes « marocaines » tenaient déjà le rôlequ’elles occupent encore de nos jours, à savoir celui de la transmission orale de la culture. C’est à travers des récits millénaires que nombre de femmes anonymes ont perpétué cette tradition. Rares sont celles qui sont citées par l’Histoire. C’est le cas par exemple de la reine Eunoé, épouse du roi Bogud, souverain de la Maurétanie Occidentale en l’an 50 avant J-C. Actorius Nason, historien romain de l’époque, rapporte que Jules César en personne est tombé éperdument amoureux d’Eunoé. Il précise qu’en plus de son « incroyable beauté », la reine est dotée d’une remarquable connaissance des sciences, ce qui la rend encore plus séduisante aux yeux du puissant général romain.
Souvent, les Amazighs anciens prêtent aux femmes un pouvoir surnaturel lié à des connaissances occultes. C’est ainsi qu’apparaissent des prophétesses et des oracles censés lire l’avenir. Ce statut est couramment lié à celui de guérisseuse, car les femmes amazighes sont alors dotées de solides connaissances en botanique, qui font d’elles les probables premières doctoresses du Maroc ancien. Elles sont également connues des Grecs (grâce à Pline l’Ancien) pour leur avance considérable en matière de traitement thérapeutique. Les maladies sont à la fois traitées par la connaissance des plantes et par une pratique répandue de la magie. A l’époque, les deux domaines se confondent parfaitement.
Par Sami Lakmahri
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